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et surtout mon courage. Or, quoique je sois une Redgauntlet apprivoisée, néanmoins je conserve encore assez de l’esprit propre à notre famille, pour rester aussi calme dans le danger qu’aucune personne de mon sexe ; et en deux occasions pendant le cours de notre voyage (une fois nous faillîmes être attaqués par des bandits, et l’autre, notre voiture versa), j’eus le bonheur de me conduire de manière à donner à mon oncle une idée très-favorable de mon intrépidité : cette circonstance l’encouragea sans doute à mettre à exécution le singulier dessein qu’il méditait.

Avant d’arriver à Londres, nous changeâmes de voiture plus d’une fois, et nous prîmes bien des routes différentes pour approcher de cette capitale. Alors, comme un lièvre qui redouble de vitesse à mesure qu’il approche davantage du trou dans lequel il court se blottir, et qui enfin s’y précipite en faisant le plus grand saut qu’il lui est possible de faire, nous avançâmes à marches forcées, et nous prîmes un logement obscur dans la vieille petite rue de Westminster, non loin de l’abbaye.

Le matin du jour où nous arrivâmes, mon oncle sortit, et ne revint pas de quelques heures. En attendant, je n’eus d’autre occupation que d’écouter les différents bruits qui se succédaient les uns aux autres, ou qui régnaient en confusion tous ensemble pendant cette matinée. J’avais cru que Paris était la plus bruyante capitale du monde ; mais Paris, comparé à Londres, était plongé dans un silence de mort. Le canon tonnait de loin et de près ; — les tambours, les trompettes, les musiques militaires sonnaient, retentissaient et perçaient les nuages presque sans interruption ; pour achever le concert, les cloches étaient en branle continuel dans une centaine de clochers ; on entendait de temps à autre les acclamations d’une immense multitude, semblables au mugissement d’une mer orageuse, et tout cela sans qu’il me fût possible de concevoir le moins du monde ce qui se passait, les fenêtres de notre appartement donnant sur une cour de derrière, qui paraissait totalement abandonnée. Ma curiosité devint extrême, car je fus enfin persuadée qu’il fallait qu’on célébrât quelque grande fête, pour causer un vacarme si continuel.

Mon oncle arriva enfin, et avec lui un homme d’un extérieur vraiment hideux. Je n’ai pas besoin de vous le décrire ; car, — ne tournez pas la tête, — il est derrière nous en ce moment.

— Ce respectable personnage était M. Cristal Nixon sans doute ?