Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/400

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heureux ou malheureux, je ne sais comment l’appeler, — qui m’amena à Brokenburn, et me mit en contact avec M. Redgauntlet. Je vois aussi pourquoi on m’engageait à ne point visiter l’Angleterre, car c’était en Angleterre…

— En Angleterre seulement, si je ne me trompe, les droits de votre oncle à la garde de votre personne auraient pu être valides, au cas où il serait rentré dans la jouissance de ses droits civils, soit par l’indulgence du gouvernement, soit par une révolution politique. En Écosse, où vous ne possédez aucun bien, son autorité aurait pu lui être contestée, et des mesures eussent été prises pour vous assurer la protection des lois. Mais, je vous en prie, ne regardez pas comme malheureuse votre visite à Brokenburn ; — j’ai confiance que les suites en seront des plus agréables, car ne nous ont-elles pas rapprochés déjà l’un de l’autre ? »

En parlant ainsi, elle tendit la main à son frère, qui la pressa avec une chaleur bien différente de la manière dont il l’avait prise pour la première fois le matin. Il y eut alors un moment de silence, car les cœurs de l’un et de l’autre étaient remplis d’un vif sentiment d’affection naturelle, auquel des circonstances les avaient jusque-là rendus étrangers.

Enfin, Latimer rompit le silence : « Je suis honteux, dit-il, ma chère Lilias, de vous avoir laissée parler si long-temps sur des matières qui n’intéressent que moi seul, tandis que j’ignore toujours votre histoire et votre situation présente.

— La première n’est pas des plus intéressantes, et la seconde n’est ni très-sûre ni très-agréable ; mais à présent, mon cher frère, j’aurai l’inestimable avantage de votre protection et de votre tendresse ; et si seulement j’étais sûre que nous pussions résister à la crise formidable qui approche, j’aurais peu de crainte pour l’avenir.

— Apprenez-moi donc ce dont il s’agit pour le moment, et comptez sur tous mes efforts pour votre défense et pour la mienne. Quelle raison peut avoir mon oncle pour désirer me retenir prisonnier ? — Si c’est par pure opposition à la volonté de ma mère, elle n’existe plus depuis long-temps ; et je ne vois pas pourquoi il voudrait se donner tant de peine et courir tant de risques pour résister à la volonté libre d’un pupille à qui peu de mois donneront le privilège d’agir à son gré, sans qu’il ait le moindre droit de s’y opposer.

— Mon cher Arthur, car ce nom vous appartient en propre,