Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/385

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des belles broderies qui paraient alors les vêtements de notre sexe ; et, comme il arrive souvent en pareille circonstance, la beauté des étoffes suppléait au manque de symétrie et de grâce dans la coupe des vêtements. Ceci soit dit par manière de digression.

Dans la cour de la vieille maison de Redgauntlet, moitié château, moitié ferme, ou plutôt ancien manoir délabré, converti en une demeure passable pour un fermier de Cumberland, on voyait plusieurs chevaux sellés. Quatre ou cinq étaient montés par des domestiques ou des individus d’un rang inférieur, tous bien armés de sabres, de pistolets et de carabines. Mais deux d’entre ces chevaux étaient équipés de manière à recevoir des femmes. — Sur l’un était une selle à l’usage du sexe faible, et sur l’autre, un petit coussin attaché derrière une selle d’homme.

À cette vue, le cœur de Latimer battit vivement : il comprit sans peine qu’une de ces montures lui était destinée, et l’espérance lui vint que l’autre attendait la belle Mante-Verte. Car, suivant sa coutume, il l’avait prise pour dame de ses pensées, quoique les occasions qu’il avait eues de la voir ne dépassassent pas la durée d’un souper silencieux pour la première fois, et la seconde, le temps de faire une contredanse. Ce n’était pourtant pas une chose étonnante de la part de Darsie Latimer, sur qui l’amour ne triomphait ordinairement qu’en véritable conquérant marhatte, qui dompte une province avec la rapidité de l’éclair, mais ne peut la conserver long-temps. Cependant cette nouvelle passion lui avait fait des blessures un peu plus profondes que celles qui, jusque-là, n’avaient fait qu’effleurer son cœur, et sur lesquelles son ami Fairford avait coutume de le plaisanter. La demoiselle paraissant s’intéresser sincèrement à lui ; et l’air de mystère dont elle voilait cet intérêt lui donnait, aux yeux de notre jeune homme, le caractère d’un esprit bienveillant et protecteur, aussi bien que celui d’une femme charmante.

Les autres fois, le roman de ces affections d’un jour était tout entier de sa création : l’illusion avait toujours disparu aussitôt qu’il s’était approché de plus près de l’objet de son amour ; mais dans cette occasion, son cœur n’avait pris feu qu’au milieu de circonstances qui eussent fait impression sur un esprit moins disposé à l’amour, et sur une imagination moins brillante que celle de Darsie Latimer, jeune, sans expérience, et enthousiaste comme il l’était.