Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/368

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dignes mais simples hôtesses à tant de superstition. La vue du père Bonaventure, lorsqu’il entra, lui expliqua tout jusqu’à un certain point.

C’était un homme de moyen âge, de quarante ans au plus ; mais le chagrin, les fatigues, ou même les passions, lui avaient donné l’apparence d’une vieillesse prématurée, et imprimaient à sa belle figure une teinte de sérieux et même de tristesse. Néanmoins, sa physionomie était encore noble ; et quoique son teint fût flétri, quoique des rides sillonnassent son visage dans presque tous les sens, un front élevé, les yeux brillants et bien ouverts, un nez parfaitement bien fait, montraient encore quelle beauté mâle il devait avoir eu dans son temps. Sa taille était grande, mais il perdait cet avantage en se tenant un peu voûté ; et la canne qu’il portait toujours à la main, et sur laquelle il s’appuyait parfois, aussi bien que sa démarche lente, quoique majestueuse, semblait annoncer que ses membres, si bien proportionnés, éprouvaient déjà quelque atteinte d’infirmité. On ne pouvait distinguer la couleur de ses cheveux ; car, suivant la mode du temps, il portait une perruque. Il était revêtu d’un habit séculier d’une coupe élégante mais grave, et l’on voyait une cocarde à son chapeau : ces circonstances ne surprirent point Fairford, qui savait qu’un déguisement militaire était souvent pris par les prêtres romains pendant leurs voyages ou leur résidence en Angleterre, pays où ils étaient exposés à des peines portées par la loi.

Lorsque cet imposant personnage entra dans la chambre, les deux dames, tournées vers lui comme des soldats en faction lorsqu’ils veulent saluer un officier supérieur, firent, chacune de leur côté, au révérend père, un salut si profond, que les paniers recouverts de jupons qui furent mis en mouvement parurent s’affaisser jusqu’au plancher, et même le traverser, comme si une trappe s’était ouverte pour recevoir les dames qui faisaient de si belles révérences.

Le père semblait accoutumé à de pareils hommages, quelque profonds qu’ils fussent ; il se tourna un peu vers l’une des deux sœurs d’abord, et puis vers l’autre, tandis que, par une inclination gracieuse de la tête, qu’on ne pouvait certainement pas appeler un salut, il répondait à leur civilité ; mais il continua son chemin sans leur adresser la parole, et parut, en agissant de la sorte, indiquer que leur présence n’était pas nécessaire dans l’appartement.