Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/362

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fanes parvinrent à ses oreilles. « Quels infâmes païens sont ces hommes, et quels périls nous courons au milieu d’eux ! puissent les saints nous protéger ! quelle nuit, bon Dieu, que celle-ci ! — la pareille ne s’est jamais vue à Fairladies. — Aidez-moi à refermer la porte, Richard, et vous reviendrez ensuite y monter la garde, de peur qu’il ne nous arrive des visites plus fâcheuses encore : — non que vous soyez le malvenu, jeune homme, car il suffit que vous ayez besoin des secours que nous pouvons vous donner, pour que vous soyez accueilli à Fairladies : — seulement, une autre fois vous feriez aussi bien… — mais… bah ! tout est pour le mieux. L’avenue, monsieur, n’est pas des plus unies : regardez où vous mettez les pieds. Richard le jardinier aurait dû la niveler et la ratisser, mais il lui a fallu aller en pèlerinage à la fontaine de Sainte-Winfred, dans le pays de Galles. » — Là, Dick fit entendre une petite toux sèche, mais tout à coup comme s’il eût craint qu’elle ne trahît quelque pensée secrète, se rapportant peu à ce que disait la demoiselle, il se hâta de murmurer : « Sancta Winifreda, ora pro nobis. » — Cependant, miss Arthuret continuait toujours : « Jamais nous n’empêchons nos gens d’accomplir leurs vœux ni leurs pénitences, monsieur Fairford. Je connais un digne ecclésiastique de votre nom, c’est un de vos parents peut-être. Jamais, monsieur, nous ne mettons obstacle à l’accomplissement des vœux de nos domestiques. Notre-Dame nous garde de ne pas leur faire sentir la différence de notre service à celui d’un hérétique ! — Prenez garde, monsieur, vous ferez une chute si vous n’y faites attention. Hélas ! nuit et jour, il se trouve des pierres d’achoppement dans notre chemin. »

Par d’autres discours semblables à celui qu’on vient de lire, qui tous tendaient à montrer une femme charitable, d’un esprit un peu étroit, et fortement entraînée vers une dévotion superstitieuse, miss Arthuret abrégea sans doute le chemin à son nouvel hôte : quoique trébuchant à chaque caillou, que la piété de son guide Richard avait laissé dans le chemin, il arriva enfin au bout de l’avenue, et en montant quelques marches en pierre décorées de griffons et de pareilles inventions héraldiques, il se trouva sur une terrasse qui occupait le devant du château de Fairladies. C’était un vieux manoir bien antique et assez considérable, avec ses pignons dentelés et ses rangées de fenêtres étroites, d’où saillait çà et là une vieille tourelle qui ressemblait à une longue poivrière. La porte avait été fermée durant la courte