Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/346

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Annan, et qui a le plus clair des profits sans courir aucun risque, je serais assez bien, — aussi bien que j’aie besoin de l’être. Je ne suis jamais loin de mon meilleur ami, » dit-il en touchant son flacon ; « mais, pour vous faire une confidence, lui et moi nous sommes tellement habitués l’un à l’autre, que je commence à croire qu’il ressemble à un plaisant de profession, qui vous fait crever de rire si vous ne le voyez que de temps à autre ; mais si vous demeurez dans la même maison, il ne peut que vous rendre stupide. Après tout, je réponds que le vieux drôle fait tout ce qu’il peut pour moi.

— Et que peut-il donc faire ? dit Fairford.

— Il me tue, répliqua Nanty Ewart ; et je suis seulement fâché qu’il y mette tant de temps. »

À ces mots il se leva lestement, et, se promenant de long en large sur le tillac, il donna ses ordres avec sa clarté et sa précision habituelles, malgré la quantité considérable d’eau-de-vie qu’il avait bue en contant son histoire.

Quoique loin de se sentir bien, Fairford tâcha de se lever aussi et de se traîner jusqu’à la proue du brick, pour jouir de la belle vue qu’offrait la mer, aussi bien que pour reconnaître un peu la course que tenait le bâtiment. À sa grande surprise, au lieu de se trouver près de la côte opposée à celle d’où il était parti, le navire descendait le détroit, et paraissait devoir entrer dans la mer d’Irlande. Il appela Nanty Ewart, et lui témoigna son étonnement de la marche qu’il suivait, et lui demanda pourquoi il ne traversait pas le détroit tout simplement pour aborder dans un port du Cumberland.

« Ma foi ! voilà ce que j’appelle une question raisonnable ! répliqua Nanty ; comme si un vaisseau pouvait aller tout droit au port comme un cheval à l’écurie ; comme si un bâtiment contrebandier pouvait naviguer sur la Solway en aussi grande sécurité qu’un navire du roi ! Hé bien ! je m’en vais vous dire, camarade. — Si je n’aperçois pas de fumée à Bowness, village situé sur ce promontoire que vous voyez là, il faut que je tienne la mer vingt-quatre heures au moins ; car nous devons rester sous le vent, si les faucons sont lâchés.

— Et si vous voyez le signal de sûreté, maître Ewart, que ferez-vous alors ?

— Ma foi ! dans ce cas, il me faudra rester au large jusqu’à la