Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/345

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truie de David[1], vous savez ? — Mais je fus puni, mon garçon ; on me fit embrasser la fille qui ne parle jamais que quand elle gronde, et c’est la fille du canonnier[2], camarade. Oui, le fils du ministre de —, n’importe l’endroit, — a encore l’égratignure du chat[3] sur le dos ! Ce châtiment m’indigna, et quand nous eûmes regagné la terre avec la chaloupe, je donnai trois pouces de mon poignard au drôle à qui j’en voulais le plus ; et alors je me cachai dans les bois. Il y avait, à cette époque, une multitude de gaillards déterminés le long des côtes ; — et, peu m’importe qui le sache, — je devins du nombre, voyez-vous ; — je fis voile avec eux sous le pavillon noir et les os de mort en croix ; — je fus dès-lors bon ami de la mer, et ennemi de tout ce qui voguait à sa surface. »

Fairford, quoique embarrassé de se trouver, lui homme de loi, en rapport si intime avec un homme qui ne connaissait ni loi ni frein, pensa cependant qu’il valait mieux faire bon visage, et demanda à M. Ewart, avec un ton aussi indifférent que possible, s’il avait eu du bonheur dans sa profession de pirate.

« Non, non ; le diable m’emporte, non ! répliqua Nanty : du diable si j’ai jamais attrapé un morceau de beurre assez gros pour en couvrir mon pain. Il n’y avait aucun ordre parmi nous ; — celui qui était capitaine aujourd’hui était mousse demain ; et quant au pillage, — on dit que le vieux Avery et un ou deux autres avares firent de l’argent ; mais, de mon temps, tout s’en allait comme on le gagnait, et la raison en était bonne, car, si un drôle avait mis cinq dollars en réserve, on lui aurait coupé le cou dans son hamac. — Et puis, c’était un métier cruel, sanguinaire. — Mais bah ! — il n’en faut plus parler. Je rompis enfin avec eux, pour ce qu’ils firent à bord d’un petit bâtiment. — Peu importe ce que c’était. — Le mal était assez grand, puisque j’en eus horreur. — Je pris un congé à la française, et je profitai de l’amnistie accordée par la proclamation. Je n’ai donc rien à craindre de ce côté ; et me voilà ici, capitaine de Jenny la Sauteuse, — une coquille de noix, oui, mais qui fend l’eau comme un dauphin. Si ce n’était ce gredin d’hypocrite que vous avez vu à

  1. Conte populaire dans le pays de Galles : la femme de David, dans un état d’ivresse, fut prise un jour par des curieux pour la truie même dont elle avait usurpé la loge afin d’y mieux reprendre ses sens. a. m.
  2. To kiss the wench that never speaks but when she scolds, the gunner’s daughter : châtiment infligé aux mousses sur un canon. a. m.
  3. The cat : fouet à neuf cordes avec lequel on frappe les soldats anglais. Ils doivent avoir passé par une commission militaire, qui ordonne quelquefois jusqu’à mille coups. a. m.