Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais les dernières paroles du magistrat le déterminèrent à s’avancer par les voies de la douceur et avec précaution. — « Je vous prie de bien comprendre, dit-il, que, dans l’enquête dont je vais m’occuper, je n’ai aucun mauvais dessein contre M. Herries, ou Redgauntlet, — appelez-le comme vous voudrez ; tout ce que je souhaite, c’est de savoir si mon ami est en sûreté. Je sais que c’était à lui une espèce de folie que d’aller, pour satisfaire un simple caprice et sous déguisement, dans le voisinage de la maison de ce même homme. Dans les circonstances où il se trouve, M. Redgauntlet peut avoir mal interprété ses motifs, et considéré Darsie Latimer comme espion. Son influence, je crois, est grande parmi les misérables dont vous parliez à l’instant ? »

Le prévôt répondit par un autre mouvement de tête aussi sagace que le premier, qui aurait fait honneur à lord Burleigh dans le Critique[1].

" Eh bien, continua Alan, il n’est pas impossible que, dans la fausse persuasion que M. Latimer venait pour l’espionner, il l’ait fait enlever d’abord, et qu’il le retienne prisonnier quelque part. — De semblables choses arrivent aux élections, et dans des occasions moins pressantes encore.

M. Fairford, » répliqua le prévôt avec chaleur, « j’ai peine à croire qu’une telle méprise soit possible ; ou si par un grand hasard elle avait lieu, Redgauntlet qui ne peut que m’être bien connu, puisqu’il est cousin de ma femme au premier, — je voulais dire au quatrième degré, Redgauntlet est absolument incapable de soumettre ce jeune homme à aucun mauvais traitement ; — il pourrait l’envoyer à Ailsay pour une nuit ou deux, peut-être le débarquer sur la côte septentrionale de l’Irlande, ou à Islay, ou dans quelqu’une des Hébrides ; mais, croyez-moi, il est incapable de toucher à un cheveu de sa tête.

— Je suis déterminé à ne point me payer de cette monnaie-là, prévôt, » répondit Fairford avec fermeté ; « et je suis fort surpris de vous entendre parler si légèrement d’une pareille agression contre la liberté d’un citoyen. Vous considérerez, et les amis de M. Herries, ou de M. Redgauntlet, feront tous très-bien de considérer de quelle manière sonner à l’oreille du secrétaire d’État anglais la nouvelle qu’un traître proscrit (car c’est le cas de cet homme) a non-seulement eu l’audace d’établir sa résidence dans les États du monarque contre lequel il a porté les armes, — mais est soup-

  1. Pièce de Shéridan. a. m.