Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/280

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— Eh bien, en ce cas, il y a des gens malintentionnés qui pourraient douter de votre attachement à la ligne protestante, M. Crosbie.

— Dieu m’en préserve, M. Fairford ! moi qui ai tant fait et tant souffert en l’année 1745 ! Je compte que les montagnards m’ont causé pour cent livres écossaises de dommages, sans parler de tout ce qu’ils ont bu et mangé : — non, non, monsieur, je suis à l’abri du soupçon. Mais, quant à me mêler des affaires du comté, laissez ceux qui connaissent la jument ferrer la jument. Les commissaires pour l’administration générale me verraient le dos courbé sous la besogne avant de venir m’aider à maintenir la tranquillité dans Dumfries ; et tout le monde sait qu’il y a une immense différence entre les affaires publiques d’une ville et celles du dehors. Que me font leurs querelles à moi ? n’avons-nous pas assez de bruit chez nous ? — Mais il faut que je m’apprête, car le conseil s’assemble cet après-dîner. Je suis charmé de voir le fils de votre père dans l’enceinte de notre ancienne ville, M. Alan Fairford. Si vous étiez d’une année ou deux plus âgé, que vous nous ferions de vous un bourgeois, mon garçon ; j’espère reviendrez me voir, et que vous dînerez avec moi avant votre départ. — Voulez-vous que ce soit pour aujourd’hui à deux heures ? — la fortune du pot, un poulet rôti et des œufs pochés. »

Mais Alan Fairford n’était pas homme à suspendre ses questions en considération de cette offre hospitalière, faite, à ce qu’il paraissait, dans l’intention d’y mettre un terme. « Il faut que je vous retienne un moment, M. Crosbie, dit-il, c’est une affaire sérieuse. Un jeune homme de grande espérance, et mon meilleur ami, ne se retrouve plus ; — vous ne pouvez croire qu’on permette à un homme de votre réputation, connu comme vous par son zèle pour le gouvernement, de s’abstenir en pareil cas de faire d’activés recherches. M. Crosbie, vous êtes l’ami de mon père, et à ce titre je vous respecte ; — mais à d’autres yeux votre conduite aurait mauvaise apparence. »

Le prévôt sentait bien la mouche qui le piquait, et il se promena dans la chambre d’un air de tribulation, en répétant : « Mais que puis-je faire, M. Fairford ? je vous assure que votre ami est encore vivant ; — il reviendra, allez, comme revient le mauvais shilling ; — il n’est pas de ces marchandises qui se perdent. — Un jeune étourdi qui court la campagne avec un joueur de violon