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sonne à qui je fais allusion, et deux fois elle a prouvé qu’elle me reconnaissait, en répondant par signes aux gestes par lesquels je cherchais à lui faire comprendre ma situation ; mais, dans ces deux occasions-là, elle a appuyé le doigt sur ses lèvres, pour m’avertir qu’il fallait garder le silence et être discret.

La manière dont la M. V. est entrée en scène pour la première fois semble m’assurer de sa bienveillance, aussi loin que peut atteindre son pouvoir, et j’ai de bonnes raisons pour croire qu’il est considérable. Pourtant elle paraissait confuse et même effrayée pendant les très-courts moments de notre entrevue, et je crois l’avoir vue dans la seconde occasion tressaillir de crainte comme quelqu’un entrait dans la cour de la ferme, au moment où elle allait me parler. Vous n’avez pas besoin de me demander si je suis matinal, lorsque de pareilles jouissances ne me sont accordées qu’à la pointe du jour. Quoique je n’aie plus revu ma protectrice, j’ai néanmoins tout lieu de croire qu’elle n’est pas éloignée. Il y a trois jours, fatigué de l’uniformité de ma détention, j’avais manifesté vers le soir des symptômes d’abattement plus prononcés qu’à l’ordinaire, et je conçois que cette circonstance ait attiré l’attention des domestiques qui en auront sans doute causé. Le matin suivant, les vers qu’on va lire se trouvèrent sur ma table, mais comment y étaient-ils arrivés, je l’ignore. La main qui les avait tracés excellait à écrire l’anglaise.


Comme des moissonneurs retardant le salaire,
Souvent le maître dit : « C’est bon ! venez demain ! »
Ainsi, pour nous payer les travaux, la misère,
Le sort n’a que l’espoir : monnaie un peu légère,
Mais qui fixe la dette en un titre certain.

C’est donc un gage saint que la douce espérance :
Comme dans un trésor garde-la dans ton cœur.
Quelque lointaine encore que semble l’échéance,
Douter, désespérer, lacérer ta créance,
C’est un blasphème envers l’auguste débiteur.


Que ces strophes soient écrites dans l’intention amicale, — plus qu’amicale, de m’engager à reprendre courage, je n’en puis douter ; et la manière dont je me comporterai montrera, je l’espère, que je suis capable de répondre à cette espèce de défi.

On m’a apporté les vêtements que le bon plaisir de mon prétendu tuteur est de me faire porter pour le voyage ; et en quoi croyez-vous qu’ils consistent ? — en un surtout de camelot, grande