Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/262

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principes à la fortune et même à la vie. Le jeune faucon, accoutumé aux douceurs du nid qui l’a vu naître, doit être dompté par les ténèbres et les veilles, avant que les fauconniers l’abandonnent à ses propres ailes. »

Je fus effrayé de cette déclaration qui semblait m’annoncer pour ma captivité un prolongement indéfini et peut-être un terme fatal ; je jugeai convenable pourtant de faire preuve de fermeté, et en même temps d’y joindre un ton de conciliation. « M. Herries, dis-je, en supposant que je vous donne votre véritable nom lorsque je vous appelle ainsi, permettez que nous causions sur ces matières sans prendre ce ton mystérieux et effrayant dont vous semblez vouloir les envelopper. J’ai longtemps été, hélas ! privé des soins de cette tendre mère dont vous venez de parler, — long-temps confié à des mains étrangères, — forcé long-temps de former mes propres résolutions d’après les lumières de mon esprit. L’infortune, le délaissement de ma jeunesse, — m’ont donné le droit d’agir d’après ma volonté : et aucune contrainte ne me dépouillera du plus beau privilège d’un Anglais.

Véritable argot du jour, » répliqua Herries avec un ton de dédain, « le privilège d’agir librement n’appartient à aucun mortel : — nous sommes enchaînés par les fers du devoir ; notre route est bornée par les règles de l’honneur, — nos actions les plus indifférentes ne sont que des mailles du filet de la destinée qui nous environne tous. »

Il se promenait à grands pas dans la chambre ; et il continua sur un ton d’enthousiasme qui, joint à quelques autres particularités de sa conduite, semblerait annoncer une imagination exaltée, si l’on n’apercevait le but général auquel tendent constamment ses discours et cette conduite.

« Rien, » dit-il avec chaleur, mais d’une voix mélancolique ; « rien n’est l’ouvrage du hasard, — rien n’est la conséquence du libre arbitre. — La liberté dont se vantent les Anglais donne aussi peu de véritable indépendance à ceux qui en jouissent, que le despotisme d’un sultan d’Orient n’en accorde à ses esclaves. L’usurpateur, Guillaume de Nassau, sortit pour chasser et pensa sans doute que c’était par un pur effet de son royal bon plaisir, que le cheval de sa victime assassinée était choisi pour le conduire à son amusement de roi. Mais le ciel avait d’autres vues ; et avant que le soleil fût au haut sur l’horizon, un faux