Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/260

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cet ardent patriote, réussit mieux à attirer son attention. Il commanda aux trompettes de sonner une marche anglaise dans la cour, et Redgauntlet s’élança aussitôt sur ses armes, et sembla recouvrer la mémoire que le malheur lui avait fait perdre.

« À dater de cette époque, quoi qu’il éprouvât intérieurement, il ne donna aucun signe d’émotion extérieure. Douglas fit apporter l’enfant ; mais les soldats à cœur de fer furent eux-mêmes frappés d’horreur en remarquant que, par une loi mystérieuse de la nature, la cause de la mort de sa mère et la preuve du crime de son père étaient empreintes sur la figure innocente du nouveau-né, qui portait sur le front, et distinctement marquée, l’image en petit d’un fer à cheval. Redgauntlet lui-même le fit remarquer à Douglas, en disant avec un sourire infernal : « il aurait dû être sanglant. »

« Bien qu’endurci contre tout sentiment plus tendre par les habitudes de la guerre civile, Douglas frissonna à cette vue, et quelque compassion qu’il éprouvât pour son frère d’armes, il témoigna le désir de quitter une maison destinée à devenir le théâtre de pareilles horreurs. Pour dernier avis, il exhorta Albérich Redgauntlet à faire un pèlerinage à Saint-Ninian de Whiteherne, lieu alors en réputation de grande sainteté, et partit avec une précipitation qui aurait encore aggravé, si la chose eût été possible, le misérable état de son malheureux ami. Mais sa douleur était parvenue au comble et ne pouvait plus augmenter. Sir Albérick fit enterrer l’un près de l’autre, dans l’ancienne chapelle de son château, le corps de son épouse morte, et de son fils assassiné ; mais non pas avant d’avoir mis à contribution l’habileté d’un célèbre médecin du temps pour les faire embaumer ; et l’on dit que, durant plusieurs semaines, il passa quelques heures de la nuit dans le souterrain où ils reposaient.

« Enfin, il entreprit le pèlerinage qu’on lui avait conseillé à Whiteherne : là, il se confessa pour la première fois depuis son infortune, et reçut l’absolution d’un vieux moine qui mourut ensuite en odeur de sainteté. On prétend qu’il fut alors prédit à Redgauntlet qu’en faveur de son inébranlable patriotisme, sa famille continuerait à se distinguer au milieu des révolutions que gardait l’avenir ; mais qu’en punition de son implacable cruauté, même envers le rejeton de sa race, le ciel avait décrété que la valeur de ses descendants serait toujours infructueuse, et que la cause qu’ils auraient épousée ne prospérerait jamais.