Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/259

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des années, en position de lui faire espérer un héritier plus soumis.

« Mais la santé délicate de la dame, et le vif intérêt qu’Albérick prenait à sa position, ne l’empêchèrent pas de participer à l’entreprise de Douglas et de Moray. Il avait été le plus intrépide à l’attaque du château, et fut le plus empressé à poursuivre Baliol, ne songeant qu’à disperser et à massacrer le peu de partisans hardis qui s’efforçaient de protéger l’usurpateur dans sa fuite.

« Lorsqu’il les eut tous successivement mis en fuite ou couchés sur le carreau, le formidable Redgauntlet, le mortel ennemi de la maison de Baliol, se trouva dans un étroit passage, à la longueur de deux lances seulement du fugitif Édouard. Tout à coup un jeune homme, l’un des derniers qui avaient accompagné l’usurpateur dans sa fuite, se précipita entre eux, reçut le coup d’Albérick, et fut jeté à bas de son cheval. En tombant, la visière de son casque se releva ; et les rayons du soleil, qui se levait alors sur la Solway, montrèrent à Redgauntlet les traits de son fils désobéissant, portant la livrée et les couleurs du tyran.

« Redgauntlet regarda son fils étendu sous les pieds de son cheval ; mais il vit aussi que Baliol, l’usurpateur de la couronne écossaise, était encore à la portée de ses coups, et séparé de lui seulement par le corps de son jeune défenseur renversé à terre. Sans s’arrêter à demander si son fils était blessé, il enfonça ses éperons dans les flancs de son cheval, dans l’intention de le faire sauter par-dessus ; mais malheureusement il ne put pas y réussir. Le coursier s’élança bien en avant ; mais il n’alla point retomber au-delà du corps du jeune homme, et le frappa au front avec un de ses pieds de derrière, tandis qu’il cherchait à se relever. Le coup fut mortel. Il est inutile de dire que la poursuite fut interrompue, et que Baliol échappa.

« Redgauntlet, féroce comme nous l’avons décrit, fut pourtant accablé de tristesse à l’idée du crime qu’il avait commis. Quand il rentra dans son château, ce fut pour y trouver de nouveaux chagrins domestiques. Sa femme avait été saisie avant terme des douleurs de l’enfantement, à la nouvelle de l’horrible catastrophe qui avait eu lieu. La naissance d’un fils lui coûta la vie. Redgauntlet demeura plus de vingt-quatre heures près du cadavre, sans changer ni de traits ni de posture, autant que ses domestiques tremblants osèrent l’observer. L’abbé de Dundrennan lui prêcha en vain la consolation. Douglas, qui vint visiter dans son affliction