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cum lyrâ ? — mais mon lord Stair[1]. En attendant, je me suis depêtré de ma mélancolie et de mes noires visions, simplement en y puisant le sujet de ma lettre. Je vais donc maintenant causer une demi-heure avec Robin le rouan : le coquin me connaît déjà, et hennit quand je passe le seuil de l’écurie.

Le cheval noir que vous montiez hier matin promet d’être un admirable serviteur, et trotte aussi aisément avec Sam et le portemanteau qu’avec vous et votre jurisprudence. Sam promet d’être un domestique actif, et l’a été jusqu’à présent. Épreuve de courte durée, direz-vous. Il rejette la faute de ses premières inexactitudes sur la mauvaise compagnie. — Les gens qu’il voyait à l’écurie étaient sans doute très-séduisants. — Il nie avoir jamais négligé le cheval : — il aurait plutôt préféré ne pas dîner, dit-il. En cela, je le crois, car les côtes et le poil de Robin n’offrent pas preuves du contraire. Cependant, comme il ne rencontrera pas de saints dans les auberges que nous fréquenterons, et comme parfois l’avoine se change aussi vite en bière que John-Barley-Corn[2] lui-même, j’aurai l’œil sur maître Sam. L’imbécile ! s’il n’eût point abusé de mon caractère, j’aurais pu jaser avec lui pour tenir ma langue en exercice, au lieu qu’à présent il me faut le tenir à distance.

Vous rappelez-vous ce que M. Fairford me dit un jour à ce sujet ? « Qu’il ne convenait pas au fils de mon père de parler ainsi au fils du père de Sam. » Je vous demandai ce que votre père pouvait connaître du mien, et vous me répondîtes : « Autant, je suppose, qu’il en connaît de celui de Sam : — c’est une expression proverbiale. » Cette explication ne me satisfit pas, quoique, à coup sûr, je ne puisse dire pourquoi, Mais je reviens encore à un sujet stérile et épuisé. Ne soyez pas effrayé si je rentre dans ce champ des conjectures si souvent parcouru et cependant sans chemins frayés. Je ne connais rien de si inutile, de si ridicule et de si méprisable que d’ennuyer par de vaines lamentations les oreilles de ses amis.

Je voudrais pouvoir vous promettre que mes lettres seront aussi intéressantes que j’ai résolu de les écrire longues et de les envoyer régulièrement. Nous avons un avantage sur les couples d’amis fameux dans l’antiquité : David et Jonathas, Oreste et Pylade, Damon et Pythias. — Quoique pour ces derniers, en

  1. Célèbre jurisconsulte écossais. a. m.
  2. Jean grain d’orge, personnification de la bière. a. m.