Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/231

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Tout sujet Anglais a droit de savoir pour quel motif il souffre une détention, et ne peut être privé de sa liberté sans un mandat légal. — Montrez-moi celui en vertu duquel vous me retenez ici.

— Vous verrez mieux que cela ; — vous verrez le magistrat qui l’a lancé, et cela sans tarder d’un moment. »

Cette proposition soudaine me surprit et m’alarma. Je sentis néanmoins que la bonne cause était de mon côté, et je résolus de la plaider hardiment, quoique j’eusse désiré un peu plus de temps pour m’y préparer. Il se retourna donc, ouvrit la porte de l’appartement, et me dit de le suivre. J’eus grande envie, après avoir passé le seuil de la chambre qui me servait de prison, de tourner d’un autre côté et de prendre la fuite ; mais je ne savais pas où trouver l’escalier. — Je devais aussi penser que les portes extérieures seraient fermées. — Et d’ailleurs, aussitôt que j’eus mis un pied dehors pour suivre mon conducteur qui marchait fièrement, j’observai que j’étais suivi de près par Cristal Nixon, qui se trouva tout à coup à deux pas de moi. Or, la force physique de cet homme paraissait si grande, outre l’assistance qu’aurait pu lui prêter son maître, que je ne pouvais lutter contre lui avec espoir de succès. Je suivis donc le squire en silence par un ou deux corridors, beaucoup plus longs que je ne l’aurais supposé, d’après l’idée que je m’étais faite de la grandeur du bâtiment. Enfin une porte s’ouvrit, et nous entrâmes dans un vaste et antique salon, dont les fenêtres étaient en verres de couleur, et les boiseries en chêne. Une haute grille, ornée de houx et de romarin, était recouverte par une grande et massive cheminée de pierre, où l’on voyait des armoiries ; et la boiserie était décorée, suivant la coutume, d’un grand nombre de héros armés de toutes pièces, hormis le casque, qui était remplacé par une énorme perruque, et de dames en robe étroite, paraissant respirer l’odeur des bouquets qu’elles tenaient en main.

Derrière une large table, sur laquelle étaient plusieurs livres, l’on voyait assis un homme à la physionomie vulgaire, mais assez fine, portant ses cheveux attachés en bourse, et qui, à en juger par la main de papier placée devant lui, et la plume qu’il prit à mon arrivée, paraissait tout disposé à remplir l’office de greffier. Comme je désire décrire les personnes aussi exactement que possible, je puis ajouter qu’il portait un habit de couleur brune, des culottes de peau et des guêtres. Vers le haut bout de la même table, dans un ample fauteuil recouvert de cuir noir, reposait