Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/229

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quels ils étaient classés. Tel ne sera point mon destin, si une ferme résolution peut garantir un homme d’une fatale influence.

Cependant, je m’assis pour recueillir mes idées, afin de composer la lettre que j’avais l’intention d’écrire à mon geôlier, — car c’est le nom qu’il mérite. Elle contenait en substance ce que je vais vous dire, après que j’eus déchiré plusieurs brouillons, et fini par trouver un langage propre à exprimer le ressentiment qui éclatait avec trop de violence dans les premières lignes de mes autres lettres, quoique je m’efforçasse de prendre un ton conciliant. Je rappelai les deux occasions où il m’avait certainement sauvé la vie au milieu des plus grands périls, et j’ajoutai que, quel que fût le motif de la détention à laquelle j’étais soumis par ses ordres, ce ne pouvait être assurément avec l’intention d’employer ensuite la violence contre moi. Il pouvait, disais-je, m’avoir pris pour une autre personne ; et j’ajoutai tous les détails que je savais moi-même sur ma position dans le monde, et sur la manière dont j’avais été élevé, pour dissiper son erreur. Je supposai ensuite qu’il était possible qu’il me crût trop faible pour voyager, et incapable de prendre moi-même soin de moi ; je le suppliai de croire que j’étais parfaitement rétabli, et de force à supporter les fatigues d’un voyage ; enfin, je lui rappelai, d’un ton ferme mais mesuré, que la détention que je souffrais était illégale et de nature à être sévèrement punie par les lois qui protègent la liberté des citoyens. Je finis en demandant à être conduit devant un magistrat, ou du moins à être honoré d’une entrevue particulière avec lui, où il m’expliquerait sa conduite à mon égard.

Peut-être cette lettre était-elle conçue en termes trop humbles pour un homme victime de l’injustice, et je suis disposé à le croire, lorsque maintenant je la repasse dans ma mémoire ; mais que pouvais-je faire ? J’étais au pouvoir d’un homme dont les passions semblent être aussi violentes que ses moyens de les satisfaire paraissent illimités. J’avais aussi raison de penser (faites attention à ceci, Alan) que toute sa famille n’approuvait pas l’arbitraire de sa conduite à mon égard ; mon but enfin était la liberté, eh ! que ne sacrifierait-on pas pour la reconquérir ?

Je ne pus mettre une autre adresse que celle-ci : « Au Squire, en mains propres. » Il ne pouvait être fort éloigné, car je reçus une réponse dans l’espace de vingt-quatre heures ; elle était adressée à Darsie Latimer, et contenait ces mots : « Vous m’avez