Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la liberté, à vous qui ne savez nullement en user comme il convient à un homme bien né, et qui passez votre temps avec des quakers, des joueurs de violon et semblable canaille ? Si j’étais votre… hem, hem, hem ! »

Là, Cristal s’arrêta court, précisément à l’endroit où quelque renseignement allait lui échapper. Je le suppliai encore une fois d’être mon sauveur, lui promettant tout l’argent que j’avais sur moi, et la somme était assez considérable, s’il voulait faciliter mon évasion.

Il m’écouta, comme si la proposition ne lui était pas indifférente, et répliqua, mais d’une voix moins dure qu’auparavant : « Oui, mais on n’attrape pas les vieux oiseaux avec de la paille, mon jeune maître. Où prendrez-vous cet or dont vous faites tant de bruit ?

Je vais vous donner un à-compte sur-le-champ, et en bons billets de banque, » repartis-je ; mais mettant la main dans ma poche, je trouvai que mon porte-feuille avait disparu. J’aurais voulu me persuader que c’était seulement l’engourdissement de mes mains qui m’empêchait de le saisir ; mais Cristal Nixon, portant sur son visage ce cynisme qui trouve son principal plaisir dans l’humaine misère, ne put s’empêcher plus long-temps d’éclater de rire.

« Oh, oh ! mon jeune maître, dit-il, nous avons bien pris soin de ne pas vous laisser les moyens de corrompre la fidélité des pauvres gens. De fait, mon gentilhomme, ils ont des âmes aussi bien que d’autres, et les faire manquer à leurs serments est un péché mortel. Quant à moi, mon jeune monsieur, rempliriez-vous d’or l’église de Sainte-Marie, Cristal Nixon n’y ferait pas plus attention que si vos guinées étaient de simples pierres. »

J’aurais insisté, ne fût-ce que dans l’espérance qu’il laisserait tomber quelques mots sur les choses qu’il m’importait tant de connaître ; mais il coupa court à notre entretien, en me priant de m’appuyer dans un coin et de chercher à dormir.

« Vous avez déjà la tête assez sens dessus dessous, ajouta-t-il, et votre jeune cervelle se dérangera tout à fait si vous n’accordez pas à la nature un peu de repos.

J’avais effectivement besoin de me reposer, sinon de dormir ; le breuvage que j’avais avalé opérait encore, et convaincu au fond du cœur qu’on n’en voulait point à ma vie, la crainte d’une mort instantanée ne combattit pas plus long-temps la torpeur qui m’ac-