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vrir et d’empêcher ce que j’ai projeté de faire, qu’il serait impossible à un homme de mettre à sec la Solway avec le creux de sa main.

J’étais trop épuisé pour lui répondre ; et encore insensible, encore engourdi dans tous mes membres, je me laissai placer sans résistance sur un cheval amené pour moi. Mon formidable conducteur et une autre personne également à cheval se mirent, l’un à ma droite, l’autre à ma gauche, pour me soutenir en selle. De cette manière, nous voyageâmes grand train et par des routes de traverse qui semblaient aussi familières à mon guide que les périlleux passages de la Solway.

Enfin, après avoir traversé un labyrinthe de sentiers sombres et profonds, après avoir parcouru plus d’une plaine stérile et couverte de bruyères, nous nous trouvâmes au bord d’une grande route, où une chaise de poste à quatre chevaux paraissait attendre notre arrivée. À mon grand soulagement, nous changeâmes alors notre façon de voyager ; car mes éblouissements et mes maux de tête étaient devenus si intenses, qu’autrement j’aurais été tout à fait incapable de me soutenir à cheval, même avec l’assistance que je recevais.

Mon guide, si suspect et si dangereux, me fit signe de monter dans la voiture ; — l’homme qui avait galopé à gauche de mon cheval y monta après moi, et, baissant tous les rideaux, il donna l’ordre de partir à l’instant.

J’avais pu entrevoir la physionomie de mon nouveau compagnon, lorsqu’on s’éclairant d’une lanterne sourde les conducteurs avaient ouvert la portière, et je fus persuadé que je reconnaissais en lui le domestique du laird des lacs que j’avais vu une première fois à Brokenburn. Pour m’assurer si mes soupçons étaient justes, je lui demandai s’il ne se nommait pas Cristal Nixon.

« Que vous importent les noms des autres, » répliqua-t-il d’un ton bourru, « à vous qui ne pouvez dire ceux de votre père ni de votre mère ?

— Vous les connaissez, peut-être ? » m’écriai-je avec vivacité, « vous les connaissez ! et ce secret est la cause du traitement que j’éprouve à cette heure. Il le faut bien, car de ma vie je n’ai jamais fait aucun mal à personne. Apprenez-moi la cause de mes infortunes, ou plutôt mettez-moi en liberté, et je vous récompenserai richement.

— Oui-dà ! répliqua mon gardien ; mais pourquoi vous rendre