Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/216

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que ces liens qui me blessent si cruellement soient relâchés au moins, si on me refuse de les détacher tout à fait.

— Je les relâcherai, reprit la même voix ; je les détacherai même entièrement, et je vous permettrai de continuer votre route d’une manière plus commode, pourvu que vous me donniez votre parole d’honneur de ne point chercher à vous évader.

— Jamais ! » répondis-je avec une énergie dont le désespoir seul pouvait m’avoir rendu capable, « je ne consentirai jamais à renoncer à ma liberté, à moins que je n’y sois contraint par la force.

— Assez, répliqua-ton, ce sentiment est bien naturel. Mais alors ne vous plaignez pas de ce que moi, qui exécute une entreprise importante, j’emploie les seuls moyens qui soient en ma puissance pour en assurer le succès. »

Je cherchai à connaître ce qu’on voulait faire de moi ; mais mon conducteur, d’un ton d’autorité menaçante, me pria de garder le silence dans mon propre intérêt ; et mon esprit était trop faible, mes forces trop épuisées, pour me permettre de continuer un dialogue si singulier, quand bien même j’aurais pu m’en promettre un bon résultat.

Il est utile d’ajouter ici que, d’après mes souvenirs de cette époque et ce qui s’est passé depuis, j’ai la plus forte conviction que l’homme à qui j’adressai ces supplications était le singulier personnage demeurant à Brokenburn, dans le comté de Dumfries, et appelé, par les pêcheurs de ce hameau, le laird des lacs de la Solway. Mais son motif pour me poursuivre avec tant d’acharnement, je ne puis pas même le conjecturer.

Pendant quelque temps, le chariot marcha pesamment et avec lenteur, et les mugissements plus proches de la marée montante commencèrent à exciter en moi la crainte d’un autre danger. Je ne pouvais me méprendre sur ce bruit, que j’avais entendu dans une autre occasion où la célérité d’un excellent cheval m’empêcha seule de périr au milieu des sables mouvants. Vous devez, mon cher Alan, vous rappeler les circonstances de ce premier événement : en bien, rapprochement bizarre ! le même homme qui alors m’arracha au péril était le chef de la bande des coquins qui me privait de la liberté. Je conjecturai que le danger devenait imminent, car j’entendis certains mots et je vis certaines choses d’où je conclus qu’un cavalier avait attelé à la hâte son cheval au chariot, pour soulager l’animal harassé qui le