Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/214

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J’ai lieu de croire que cette espèce de sommeil léthargique dura plusieurs heures, même tout le jour suivant et une partie de la nuit. Il n’était pas toujours également profond ; car, à mon souvenir, il fut troublé par bien des rêves, tous d’une nature pénible ; mais ce souvenir est faible et confus. Enfin le moment du réveil arriva, et alors mes sensations furent horribles.

Un bruit sourd, que, dans le trouble de mes sens, je pris encore pour les cris de ces scélérats, fut la première chose qui me frappa l’esprit ; mais bientôt je reconnus que j’étais violemment entraîné dans une voiture, dont les balancements inégaux me causaient d’affreuses douleurs. Quand je voulus me servir de mes mains pour chercher à prendre une position qui m’épargnât cette espèce de souffrance, je trouvai que j’étais encore garrotté comme auparavant, et je demeurai convaincu de l’affreuse réalité que j’étais entre les mains des brigands qui avaient récemment commis un si grand attentat au droit de propriété, et qui m’emmenaient maintenant au diable, sans doute pour m’assassiner ; J’ouvris les yeux, — ce fut inutilement ; — tout était obscurité autour de moi, car un jour entier s’était écoulé durant mon sommeil. J’étais accablé par un violent mal de tête ; — le front me brûlait, tandis que mes pieds et mes mains étaient glacés et engourdis par le manque de circulation de sang. Ce fut avec la plus grande difficulté que je recouvrai peu à peu la faculté de réfléchir sur ma position, et d’écouter ce qui se passait au dehors ; et alors je n’y trouvai rien de consolant.

Tâtonnant avec mes mains, autant que mes bandages le permettaient, et aidé de temps à autre par les rayons de la lune, je découvris que la voiture dans laquelle j’étais ainsi emmené était une de ces charrettes légères du pays, appelées tumblers ; on avait pris quelques soins pour ma plus grande commodité, puisque j’étais couché sur des espèces de sacs en forme de matelas et remplis de paille. Sans cette précaution, mes souffrances eussent été encore plus intolérables ; car le chariot, penchant tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, tombant parfois dans des trous où il s’arrêtait, et exigeant les plus grands efforts de l’animal qui le traînait pour se mettre en marche, était sujet à chaque moment aux plus rudes cahots. D’autres fois il roulait silencieusement et doucement comme sur du sable mouillé ; j’entendais le rugissement lointain de la marée, et je doutais peu que nous ne fussions