Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/204

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sons douces et par une conduite ferme, empêcher ces hommes grossiers de commettre un crime, et sauver de la destruction un établissement qui m’appartient à moi et à d’autres, assurément je ne ferai que remplir le devoir d’un homme et d’un chrétien. »

À ces mots il ordonna qu’on bridât son cheval ; et sa sœur, cessant de lui présenter des objections, croisa les bras sur sa poitrine et leva les yeux au ciel d’un air résigné, mais triste.

Ces détails peuvent sembler minutieux ; mais il vaut mieux, dans ma situation actuelle, occuper mes facultés à me souvenir du passé et à en faire le récit, que de m’abandonner à de vaines et inquiétantes conjectures pour l’avenir.

Il n’aurait guère été convenable à moi de rester dans une maison d’où le maître se trouvait si subitement obligé de sortir ; je demandai donc la permission de l’accompagner à la pêcherie, assurant à la sœur que ce serait une garantie pour son frère.

Cette proposition parut causer beaucoup de plaisir à miss Geddes. « Consens-y, mon frère, dit-elle, laisse ce jeune homme satisfaire le désir de son cœur, afin qu’il puisse y avoir un fidèle témoin près de toi, à l’heure du besoin, pour rapporter les choses telles qu’elles se seront passées.

— Rachel, répliqua le digne homme, tu es blâmable en ce que, pour apaiser tes inquiétudes sur mon compte, tu ne crains pas d’exposer au danger, s’il y a du danger à courir, ce jeune homme, notre hôte, pour qui sans doute, en cas de malheur, autant de cœurs seraient plongés dans l’affliction que pour moi-même.

— Non, mon bon ami, » dis-je en prenant la main de M. Geddes, « je ne suis pas si heureux que vous le supposez. S’il était écrit que ma destinée dût finir ce soir, peu de gens sauraient qu’un être comme moi a existé vingt ans sur la surface de la terre, et parmi ce peu de personnes, une seule me regretterait sincèrement. Ne me refusez donc pas la faveur de vous accompagner, et de montrer, par cette légère marque d’affection, que, si j’ai peu d’amis, je suis du moins jaloux de leur rendre service.

— Tu as un bon cœur, j’en réponds, » dit Josué Geddes en me serrant la main. « Rachel, ce jeune homme viendra avec moi. Pourquoi n’affronterait-il pas un danger, pour que force restât à la justice, et que la paix ne fût pas troublée ? Je sens là un pressentiment, » ajouta-t-il en posant la main sur son cœur, et en levant les yeux au ciel avec un air d’enthousiasme que je n’avais pas encore observé, et qui peut-être appartenait plus à la secte