Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/179

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se livrait à ses études accoutumées, faisait tête aux examens qu’il avait à subir, mais ce n’était plus avec le zèle et l’assiduité qu’il déployait auparavant ; et son père inquiet vit clairement que le cœur de son fils était avec l’ami absent.

Un philosophe n’aurait point cherché à contenir ce torrent de sensibilité, dans l’espoir d’en diminuer la force ; il eût permis aux jeunes gens de passer quelque temps ensemble, afin de laisser leur intimité se refroidir peu à peu ; mais M. Fairford n’aperçut que le moyen plus direct d’une séparation plus prolongée, et tâcha seulement de voiler ses intentions de quelque prétexte plausible. Dans l’inquiétude qui le tourmentait en cette occasion, il avait tenu conseil avec un vieil ami, Pierre Drudgeit, dont le lecteur a déjà fait la connaissance. « Alan, lui dit-il, perd la tête et va de mal en pis. Je m’attends à tous moments à le voir s’envoler comme une oie sauvage pour courir après ce fou de Latimer ; Will Sampson, le marchand de chevaux dans Candlemaker-Row, m’a donné à entendre qu’Alan était allé voir s’il avait un bon bidet, pour aller quelques jours à la campagne. M’y opposer directement ! — cela est impossible : je ne puis que penser à la manière dont sa pauvre mère m’a été ravie 5 ; — plût au ciel qu’il se trouvât enchaîné à quelque bonne besogne bien difficile, peu importe qu’il fût bien ou mal payé, à quelque affaire capable de le clouer à la maison jusqu’aux vacances des tribunaux, ne fût-ce que par décence ! »

Pierre Drudgeit sympathisa facilement avec le procureur ; car Pierre avait un fils qui, à tort ou à raison, avait absolument voulu changer son habit bourgeois et les manches de futaine qu’il mettait par-dessus pour écrire, contre l’uniforme bleu et les revers blancs ; il suggéra donc à M. Fairford l’idée d’engager Alan à se charger de l’affaire du pauvre Pierre Peebles qui restait là par la fuite du jeune Dumtoustie. Cela pouvait servir en même temps à cacher la désertion de cet avocat ; « et ainsi, ajouta Drudgeit, nous écartons deux chiens avec une seule pierre. »

Après ces explications, le lecteur jugera bien qu’un homme de bon sens et d’expérience comme M. Fairford père n’était pas tourmenté de cette curiosité impatiente et hasardeuse qui pousse des enfants à jeter un petit chien à l’eau, uniquement pour voir si la pauvre bête sait nager. Malgré toute sa confiance dans les talents de son fils, qui étaient vraiment très-remarquables, il aurait été bien fâché de lui imposer une cause si compliquée et si