Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nuer un pareil dialogue, s’évanouit de mon imagination, et je répliquai avec une gravité semblable à celle de la jeune dame : « Je suis sans doute mieux élevé que ces pauvres gens ; mais vous, madame, dont les avis obligeants méritent toute ma reconnaissance, vous devez en savoir sur ma condition plus que moi-même. — Je n’ose dire que je leur sois supérieur en naissance puisque ma naissance m’est inconnue, ni en fortune, car ma fortune est encore enveloppée d’un nuage impénétrable.

— Et pourquoi votre ignorance sur ces points vous pousserait-elle à fréquenter de mauvaise compagnie, et à contracter des habitudes d’oisiveté ? Est-il d’un homme d’attendre que la fortune jette d’elle-même de l’éclat sur lui, quand il peut se distinguer par ses propres efforts et son énergie ? — La carrière des sciences n’est-elle pas ouverte devant vous ? — N’avez-vous pas encore celle d’une noble ambition, — la carrière des armes ? — Mais non, — pas celle des armes, elle vous a déjà coûté trop cher.

— Je serai tout ce que vous souhaiterez, » répliquai-je avec empressement. « Vous n’avez qu’à me désigner une carrière, et vous verrez si je ne la poursuis pas avec énergie, ne fût-ce que parce qu’il vous aura plu de me le commander.

— Non parce que je le commande, dit la jeune demoiselle, mais parce que la raison, le sens commun, le courage, et, en un mot, l’intérêt de votre propre sûreté, vous donnent le même conseil.

— Permettez-moi du moins de répondre que la raison et le bon sens n’ont jamais pris une plus belle forme — pour persuader, « ajoutai-je à la hâte ; car elle se détourna, — et ne me donna point occasion de continuer ce que j’avais à dire avant le premier repos qu’exigèrent les figures ; et alors décidé à obtenir quelques éclaircissements, grâce à la contredanse, je renouai la conversation : « Vous avez aussi parlé de courage, madame, et en même temps de dangers personnels, lui dis-je. Mes idées sur le courage me portent à croire qu’il y a lâcheté à reculer devant un péril incertain. Vous qui paraissez si bien connaître ma destinée, que je pourrais vous appeler mon ange gardien, dites-moi quels sont ces périls, pour que je sois à même de juger si le courage m’ordonne de les affronter ou de les fuir. »

Elle fut évidemment embarrassée par ces paroles.

« Vous me faites payer cher les avis que je vous donne, reprit-elle enfin. J’avoue que je m’intéresse à votre destin, et pourtant