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ses sympathies en face de la misère de ses compagnons, tandis qu’il avait des ressources, bornées, il est vrai, à l’aide desquelles il eût pu leur apporter plus de soulagements qu’il ne leur en accorda. L’histoire de sa vie, après qu’il eut quitté la France, est courte et triste à raconter. Pendant quelque temps, il parut fermement convaincu que la Providence, qui l’avait protégé au milieu de tant de hasards, le réservait encore pour quelque occasion éloignée qui le mettrait à même de revendiquer les honneurs dus à sa naissance. Mais les occasions favorables se succédaient sans qu’il en profitât ; et, à la mort de son père, il reçut la preuve que désormais aucune des principales puissances de l’Europe ne s’intéressait à sa querelle. Elles refusèrent de le reconnaître sous le titre de roi d’Angleterre, et il descendit alors à demander à être reconnu comme prince de Galle.

Les discordes de famille vinrent ajouter leurs ennuis au chagrin d’une ambition déçue ; et, quelque humiliante que soit cette circonstance, il est généralement reconnu que l’aventureux, le galant, le brillant Charles-Édouard, ce chef d’une race de valeur antique, dont les vertus chevaleresques sont mortes avec lui, eut recours, dans ces dernières années, aux ignobles habitudes de l’ivresse, dans laquelle les hommes de la plus basse condition cherchent à noyer le souvenir de leurs chagrins et de leurs misères. Dans ces circonstances, cet infortuné prince perdit l’amitié des fidèles compagnons qui s’étaient le plus constamment dévoués à ses malheurs ; et, à part quelques honorables exceptions, il ne fut plus entouré que par des hommes de l’âme la plus basse, sans égard eux-mêmes pour cette dignité que le prince n’était plus capable de maintenir.

C’est un fait à la connaissance de l’auteur, que des individus qui n’avaient ni les titres ni les qualités nécessaires pour une telle distinction, furent présentés à ce malheureux prince dans des moments où il n’était en état de recevoir personne. Ce fut au milieu de ces nuages que s’éteignit à la fin le flambeau qui autrefois brilla sur la Grande-Bretagne avec un si terrible éclat, et qui enfin fut étouffé sous ses propres cendres ; à peine en resta-t-il un souvenir, à peine sa disparition fut-elle remarquée.

Pendant que Charles-Édouard, déçu dans ses projets, consumait ainsi sa vie dans la solitude, le nombre de ceux qui avaient partagé sa mauvaise fortune et ses dangers s’était réduit à une poignée de vétérans, héros d’une histoire terminée. Les lecteurs