Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/149

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garçon, — avançons, mon joli garçon, — ce n’est pas l’heure de compter vos pas. » Et il se mit à faire de longues enjambées, en m’entraînant avec lui.

Je n’étais pas trop à l’aise dans sa compagnie ; car, en ce moment où son orgueil de musicien était blessé, cet homme, qui m’avait paru si tranquille, si décent, je dirai presque si respectable en me racontant son histoire, avait tout l’air d’un vagabond tapageur, emporté. Aussi, lorsque nous entrâmes dans la vaste hutte où un grand nombre de pêcheurs avec leurs femmes et leurs filles étaient occupés à manger, à boire et à danser, je craignis un peu que la violente impatience de mon compagnon ne nous attirât un accueil assez froid.

Mais le cri universel de bienvenue qui salua l’arrivée de Willie le voyageur ; — les cordiales félicitations qu’on lui adressa, — les voix qui s’écriaient : « À votre santé, Willie ; — où avez-vous donc été, diable d’aveugle ? » les instances qu’on lui adressait de faire raison à la société le verre en main, — et surtout, la promptitude avec laquelle on imposa silence à la flûte et au tambour, — convainquirent si manifestement le vieillard qu’il n’avait rien perdu de sa popularité et de son importance, qu’il oublia soudain sa jalousie, et quitta le ton de la dignité offensée pour en prendre un plus convenable à la bonne réception qu’on lui faisait. Jeunes filles et jeunes garçons l’entourèrent pour lui dire combien ils avaient craint que quelque malheur ne l’eût empêché de venir, et comment deux ou trois de leurs compagnons étaient partis pour aller à sa rencontre.

« Ce n’est aucun malheur, Dieu soit loué ! qui m’a mis en retard, répliqua Willie, c’est l’absence de ce paresseux Rob le rôdeur, mon camarade, qui ne m’a pas rejoint sur les sables ; mais j’ai fait acquisition d’un brave gaillard à sa place, qui en vaut bien douze comme lui, le pendable scélérat !

— Et qui nous amenez-vous donc, Willie, notre compère ? » s’écrièrent une douzaine de voix, tandis que tous les yeux se tournaient sur votre humble serviteur qui faisait aussi bonne contenance que possible, quoique peu satisfait de devenir le centre vers lequel se portaient tous les regards.

« Je le reconnais à la cravate ourlée, dit un garçon, c’est Gil Hobson, le nouveau tailleur de Burg. — Vous êtes le bienvenu en Écosse, rapetasseur d’habits troués, » continua-t-il en me présentant une main dont la couleur différait peu de celle