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main. De plus, Steenie, si vous pouvez retenir votre langue sur cette affaire, je diminuerai votre fermage à dater d’aujourd’hui.

— Grand merci à Votre Honneur, » répondit Steenie qui n’eut pas de peine à voir de quel côté soufflait le vent ; « sans aucun doute je me conformerai à tous les ordres de Votre Honneur : seulement je serais bien aise de causer avec quelque savant ministre de mon aventure ; car je n’aime pas cette sorte de rendez-vous que le père de Votre Honneur…

— N’appelez-pas ce fantôme mon père ! » dit sir John en l’interrompant.

« Eh bien, la chose qui lui ressemblait tant, — il m’a recommandé de l’aller voir d’aujourd’hui en un an, et c’est un poids sur ma conscience.

— Si vous avez l’esprit tellement troublé par cette affaire, vous pouvez en parler au ministre de notre paroisse : c’est un honnête homme ; il s’intéresse à l’honneur de notre famille, d’autant plus qu’il attend quelque protection de ma part. »

À ces conditions, mon grand-père consentit sans peine à ce qu’on brûlât la quittance, et le laird la jeta dans la cheminée de sa propre main. Mais elle ne brûla point ; elle s’envola par la cheminée suivie d’une longue traînée d’étincelles et en sifflant comme une fusée.

Mon grand-père se rendit au presbytère[1], et le ministre, quand il eut écouté l’histoire, dit qu’il pensait véritablement que Steenie s’était, de gaieté de cœur, exposé à de grands périls ; néanmoins, comme le joueur de cornemuse avait refusé les arrhes du diable (car l’offre de boire et de manger n’était pas autre chose), et qu’il n’avait pas voulu lui rendre hommage en faisant de la musique à son ordre, on pouvait espérer que Satan ne tirerait pas grand avantage de ce qui s’était passé, si mon grand-père se tenait sur ses gardes pour la suite. En conséquence, Steenie, de son propre mouvement, négligea long-temps et sa cornemuse et l’eau-de-vie ; — ce ne fut même qu’après le jour anniversaire de cet événement qu’il consentit à reprendre son instrument et à boire un verre d’usquebaugh ou de tipenny.

Sir John arrangea son histoire du singe comme bon lui sembla ; et nombre de gens croient encore aujourd’hui que le merveilleux

  1. Manse, dit le texte, car c’est encore ainsi qu’on appelle en Écosse la maison du ministre. a. m.