Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/134

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duit auprès de sir John assis dans le fauteuil de son père, en grand deuil, avec des pleureuses, une haute cravate et une petite rapière de promenade à son côté, au lieu du large et vieux sabre de son père dans lequel il entrait bien cent livres d’acier pour la lame, la poignée et le fourreau. J’ai entendu si souvent répéter leur entretien, qu’il me semble que j’y assistai moi-même, quoique je ne pusse pas être né à cette époque. (En effet, Alan, mon compagnon de route, imitait de la manière la plus comique le ton flatteur et conciliant du fermier, et l’air de mélancolie hypocrite avec lequel répondit sir John). Son grand-père, dit-il, avait, tant qu’il parlait, les yeux fixés sur le livre des rentes, comme si c’eût été un mâtin faisant mine de vouloir sauter sur lui pour le mordre.

« Je vous félicite, maître, du fauteuil de famille, du pain blanc et de la belle seigneurie dont vous héritez. Votre père était la bonté même pour ses amis et pour ses gens, vous êtes bien digne de mettre ses souliers, sir John — ses bottes, devrais-je dire ; car il portait rarement des souliers, à moins que ce ne fût des pantoufles quand il avait la goutte.

— Il est vrai, Steenie, » répondit le laird en poussant un profond soupir et en portant son mouchoir à ses yeux ; « nous l’avons perdu bien soudainement, et il fera faute au pays. N’avoir pas eu le temps de mettre ordre à ses affaires ! — mais il était bien préparé sans doute à comparaître là-haut, car c’est là le principal, — quoiqu’il nous ait laissé un écheveau très-embrouillé à démêler, Steenie. — Hem ! hem ! il faut nous mettre à la besogne, Steenie ; j’en ai beaucoup, et j’ai peu de temps à y consacrer.

Il ouvrit alors le fatal registre. J’ai entendu parler de ce qu’on appelle le livre de jugement : — je suis certain que c’est quelque chose comme un livre de comptes pour les débiteurs en retard.

« Stephen, » dit sir John, encore avec le même ton de voix doux et flûté, — « Stephen Stevenson, ou Steenson, vous êtes marqué ici pour la rente d’une année en arrière due au dernier terme.

Stephen. S’il plaît à Votre Honneur, sir John, je l’ai payée à votre père.

Sir John. Alors vous avez reçu une quittance sans doute, Stephen, et vous pouvez la montrer ?

Stephen. Je n’eus pas le temps de la recevoir, avec la permission de Votre Honneur ; car à peine avais-je mis l’argent sur la