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un bunker, dans un petit renfoncement que formait le sable, bien abrité, garanti d’un côté par l’élévation du sable même, et de l’autre par un paravent de houx en pleine fleur.

Le seul personnalise du trio que je connusse individuellement était ce fameux petit polisson de Benjie, qui, venant de terminer sa partition, fourrait d’une main un gros morceau de croûte de pâté dans sa bouche, tandis que de l’autre il tenait un pot d’ale mousseuse. Ses yeux rayonnaient de toute la joie d’un régal défendu, et ses traits, qui avaient en tout temps une expression de malice et d’espièglerie, exprimaient tout le plaisir qu’un pareil drôle peut trouver à manger, fût-ce du pain sec, pourvu qu’il soit volé ; à boire, fût-ce de l’eau, pourvu qu’il l’avale en cachette.

Il n’y avait pas à se méprendre sur la profession du couple qui se livrait avec Benjie à cette partie de débauche. La longue, large et grande redingote de l’homme (ou son couvre-fripon, comme on l’appelle plus vulgairement), l’étui d’un violon muni d’une courroie pour qu’on pût le porter, qui était à terre devant lui, à côté d’un petit havresac qui semblait renfermer les objets de première nécessité ; — des yeux d’un gris clair ; des traits qui, en luttant contre plus d’un orage, n’avaient pas perdu une bizarre et insouciante expression de gaieté, et qui étaient plus animés que de coutume, maintenant qu’il exerçait pour son propre plaisir l’art qui lui servait ordinairement à gagner son pain : — tout annonçait un de ces disciples péripatéticiens d’Orphée que le vulgaire appelle un ménétrier ambulant. En le regardant avec plus d’attention, je découvris aisément que les yeux du pauvre musicien, quoique ouverts, étaient privés de la vue, et que l’extase avec laquelle il les levait au ciel ne tirait son expression que des émotions intérieures qu’il ressentait, sans recevoir aucun secours des objets visibles dont il était environné. Près de lui était assise sa compagne, avec un chapeau d’homme, une veste bleue qui avait fait également partie d’un habillement du même sexe, et un jupon rouge. Elle était plus propre de corps et de vêtements, que ne le sont en général les voyageurs de cette espèce ; et après avoir été dans son temps une bona roba, elle ne négligeait pas encore de donner quelques soins à son extérieur ; elle portait un gros collier d’ambre et des boucles d’oreilles en argent, et son plaid était retenu sur sa poitrine avec une longue épingle de même métal.

L’homme aussi avait l’air propre, malgré la grossièreté de ses