Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/106

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vous est assez connue pour sentir que je ne puis vous écrire comme je le fais sans la connaître mieux encore que vous.

« S’il ne peut ou ne veut pas suivre le conseil qu’on lui donne, mon opinion est que vous l’alliez joindre, sans délai, s’il est possible, et que vous fassiez valoir, par votre présence et vos prières même, des arguments qui peuvent n’avoir pas assez de force dans une lettre. Un mot encore, et je supplie votre bonne foi de le prendre dans le sens que je l’écris. Personne ne pense que le zèle de M. Fairford à servir son ami ait besoin d’être stimulé par des motifs mercenaires. Mais on dit que M. Alan Fairford, n’exerçant point encore la profession à laquelle il se destine, peut, dans un cas comme celui-ci, n’avoir pas les moyens d’agir avec promptitude, bien qu’il ne puisse manquer de bonne volonté. M. Alan Fairford aura donc la complaisance de regarder le billet ci-joint comme ses premiers honoraires ; et celle qui le lui envoie espère qu’il sera l’augure d’une réussite complète, quoique venant d’une main aussi inconnue que celle de La Mante-verte. »

Un billet de banque de 20 livres sterling était renfermé dans la lettre, et toute cette aventure me rendit stupéfait d’étonnement. Je ne suis pas en état de relire le commencement de ma propre lettre, qui sert d’introduction à cette missive extraordinaire. Je sais seulement que, toute mêlée qu’elle est d’un bon nombre de folies, et Dieu est témoin que mes idées sont bien différentes en ce moment, elle donne des renseignements assez exacts sur la mystérieuse personne de qui vient cette lettre, — et que je n’ai ni le temps ni la patience de séparer l’absurde commentaire du texte qu’il est si nécessaire que vous connaissiez.

Combinez cet avertissement, envoyé d’une si étrange façon, avec la défense faite à vous par votre correspondant de Londres, M. Griffiths, de visiter l’Angleterre, — avec le caractère de votre laird des lacs de la Solway — avec les habitudes des habitants de ce pays frontière, qui ne reconnaissent aucune loi, chez qui des mandats d’arrêt ne sont pas facilement exécutés, à cause de la jalousie mutuelle des deux peuples, qui ne peut souffrir que la justice de l’un intervienne chez l’autre ; souvenez-vous que sir John Fielding[1] lui-même disait à mon père qu’il lui était impossible de jamais poursuivre un coquin par delà le pont de Dumfries ; — que la distinction de whig et de tory, de papiste et de protestant, tient encore cette contrée, comparativement aux autres,

  1. Auteur de Tom Jones. a. m.