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coiffure favorite de sa mère, et que la mode en était venue en même temps que celle d’une espèce particulière de perruque qu’adoptèrent les gentlemen à l’époque de la bataille de Ramillies. Le reste de sa toilette était toujours riche et distingué, surtout pour le soir. C’était une robe de soie ou de satin, d’une couleur fort convenable à son âge, et d’une forme qui, bien que d’accord, jusqu’à un certain point, avec la mode du jour, avait toujours quelque rapport avec une époque antérieure ; cette robe était garnie de manchettes à trois rangs. Ses souliers étaient attachés avec des boucles de diamants, et les talons en étaient tant soit peu élevés : avantage dont elle avait joui dans sa jeunesse, et auquel sa vieillesse, disait-elle, ne lui permettait pas de renoncer. Elle portait toujours des bagues, des bracelets et d’autres bijoux précieux, soit par la matière, soit par le travail ; et peut-être se couvrait-elle avec un peu trop de profusion de ce genre d’ornements ; mais elle s’en parait comme d’objets très-secondaires, que les habitudes prises dans le grand monde, où elle vivait constamment, lui avaient rendus fort ordinaires et même indifférents. Elle les portait parce que son rang l’exigeait, et elle n’y songeait pas plus, comme article de parure, qu’un homme comme il faut ne pense à son linge blanc et à son habit brossé, chose tout ordinaire pour lui, mais qui ne laisse pas de donner souvent un air embarrassé et emprunté à l’élégant du dimanche.

S’il arrivait quelquefois par hasard que la beauté ou la singularité d’un bijou qu’elle portait attirât l’attention, cette observation la conduisait ordinairement à raconter de quelle manière elle l’avait acquis, et à parler de la personne de laquelle elle le tenait. Dans ces occasions-là, ma vieille amie parlait volontiers, ce qui n’est pas rare ; mais, ce qui l’est davantage, elle parlait admirablement bien. Dans ses souvenirs des pays étrangers ou des temps passés, qui fournissaient à sa conversation tant de sujets intéressants, elle avait l’art particulier d’éviter ces redites dans lesquelles il est si facile de tomber sur les époques, les lieux et les circonstances, répétitions qui jettent tant de froideur et de monotonie dans les récits des vieillards. Elle savait en même temps amener et développer avec adresse ces incidents et ces caractères qui donnent du piquant et de l’intérêt à une histoire.

Comme je l’ai déjà dit, elle avait beaucoup voyagé dans les pays étrangers. Un frère auquel elle était tendrement attachée, avait été chargé, par le gouvernement, de plusieurs missions impor-