Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/79

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Mistress Martha Bethune Baliol était une femme noble et riche, qualités fort estimées eu Écosse, comme l’on sait. Sa famille était ancienne et ses relations toutes honorables. Elle ne se souciait pas beaucoup d’indiquer son âge d’une manière exacte et précise ; mais ses souvenirs de jeunesse remontaient jusqu’au delà de 1745, année si féconde en événements. Elle se rappelait l’époque où la capitale de l’Écosse était devenue la conquête des clans montagnards, bien que probablement ces événements ne se retraçassent à sa mémoire que d’une manière confuse, comme une vision vague du passé. Sa fortune, déjà indépendante par son héritage paternel, était devenue considérable par la mort de ses braves frères, tués successivement au service de leur pays. Par là, les biens de la famille se trouvèrent réunis sur la tête du seul enfant qui eût survécu de l’ancienne maison de Bethune Baliol. Mon intimité avec cette excellente femme date de moins loin, et d’une époque où elle était d’un âge avancé.

Comme elle avait l’habitude de passer régulièrement la saison de l’hiver à Édimbourg, elle habitait un de ces vieux hôtels, qui pendant très-long-temps subsistèrent dans le voisinage de la Canongate et du palais d’Holy-Rood, et qui, séparés de la rue par des cours pavées, des jardins d’une certaine étendue, rachetaient leur entrée assez mesquine par l’air de grandeur aristocratique que l’on trouvait dans l’intérieur. Maintenant la rue est sale et habitée par la populace : la maison a été détruite, et il est vraisemblable que les démolitions et les incendies feront disparaître avant peu tout ce qui reste des anciens monuments de la capitale de l’Écosse. Je m’arrêterai cependant sur les souvenirs de ce séjour ; et, puisque la nature a mis dans ma main une plume au lieu d’un pinceau, je tâcherai que l’art d’écrire remplace celui de la peinture.

Baliol’s Lodging (tel était le nom de ce vieux manoir) était un vaste bâtiment surmonté d’un rang de hautes cheminées, parmi lesquelles s’élevaient deux ou trois tourelles, et une de ces petites plates-formes avancées, appelées bartizanes. Ces cheminées et ces tourelles dominaient de beaucoup les bâtiments modernes et chétifs qui garnissent le côté méridional de la Canongate, vers l’extrémité inférieure de cette rue, et à peu de distance du palais. Une porte cochère, avec un guichet pour les piétons, était ouverte à deux battants, dans les grandes occasions, par un vieillard boiteux, d’une taille haute et mince, d’une figure grave,