Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/277

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suivre à bord, ma foi ! jeune homme, je pourrais vous y envoyer pieds et poings liés.

Cette menace était faite avec un air de plaisanterie ; mais pourtant il y avait quelque chose dans le ton, qui blessait l’orgueil de Middlemas, et excitait sa frayeur. Il avait observé depuis peu que son ami, surtout devant un tiers, lui parlait avec un air de commandement et de supériorité difficile à endurer, mais qui touchait cependant de si près à la liberté dont usent, l’un à l’égard de l’autre, deux intimes, qu’il ne pouvait trouver aucun moyen convenable de lui en témoigner son ressentiment. De telles manifestations d’autorité étaient habituellement suivies d’un renouvellement immédiat d’intimité ; mais dans le cas présent, les choses n’allèrent pas si vite.

Middlemas, à la vérité, consentit à se rendre avec son camarade à l’île de Wight, peut-être parce que, s’il se brouillait avec lui, tout le plan de son voyage des Indes et toutes les espérances bâties sur ce projet devaient tomber dans l’eau. Mais il abandonna le dessein de confier sa petite fortune à son ami, pour en disposer lui-même selon que les occasions l’exigeraient, et résolut de surveiller de ses propres yeux l’emploi de ses fonds qui, consistant en billets de la banque d’Angleterre, pouvaient être mis en sûreté dans sa valise. Le capitaine Hillary, s’apercevant que quelques mots insinués par lui à ce sujet n’étaient pas bien accueillis, sembla ne plus songer à cette affaire.

Le voyage se fit heureusement et avec promptitude ; et après avoir côtoyé les rives de cette belle île qu’on n’oublie jamais dès qu’une fois on l’a vue, en quelque partie du monde qu’on soit ensuite conduit par le destin, le bâtiment jeta bientôt l’ancre près la petite ville de Ryde. Alors seulement, comme les vagues étaient parfaitement tranquilles, Richard sentit diminuer son mal de mer, qui, pendant la plus grande partie de la traversée, avait occupé son attention plus que toute autre chose.

Le maître du brick, en l’honneur de ses passagers, et par amitié pour son vieux camarade d’école, avait établi une petite tente sur le pont, et voulut avoir le plaisir de leur donner un petit repas, avant qu’ils quittassent son navire. Ecrevisses de mer, pâtés de poisson, et autres mets délicats recherchés des marins, furent servis en quantité bien plus que suffisante pour le nombre des convives. Le punch qui succéda était d’une excellente qualité et effroyablement fort. Le capitaine Hillary en versa à la ronde et in-