Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

docteur Grey. Non, non… il ne peut y avoir là de grands obstacles.

— Vous et moi, nous savons tous deux le contraire, M. Middlemas, » reprit Hartley fort sérieusement.

« Moi, je sais ?… Et comment en saurais-je plus que vous-même sur l’état des inclinations de miss Grey ? Nous avons été également à même de les connaître.

— Oui, peut-être ; mais certaines gens savent mieux que d’autres profiter des occasions… M. Middlemas, je soupçonne depuis long-temps que vous avez l’inestimable avantage de posséder les affections de miss Grey, et…

— Moi !… interrompit Richard ; vous plaisantez, ou vous êtes jaloux. Vous ne vous rendez pas assez justice, et me voulez trop de bien ; mais le compliment est si flatteur, que je vous suis obligé de la méprise.

— Pour que vous sachiez, répliqua Hartley, que je ne parle ni par supposition, ni par un sentiment que vous appelez jalousie, je vous déclare franchement que Menie Grey m’a elle-même confié l’état de ses affections. Naturellement je lui communiquai la conversation que j’avais eue avec son père. Je lui déclarai que dans le moment actuel je ne me flattais point d’avoir sur son cœur ce crédit qui seul pouvait me donner droit de solliciter son acquiescement aux projets que la bonté de son père m’avait laissé entrevoir ; je la suppliai de ne pas prononcer tout de suite contre moi, mais de me donner l’occasion de mériter son amour, s’il était possible, espérant que le temps et les services rendus à son père pourraient parler en ma faveur.

— Requête très-naturelle et très-modeste ! Mais que vous a répondu cette jeune demoiselle ?

— C’est une fille qui a un noble cœur, Richard Middlemas ; et pour sa franchise seule, sans parler même de sa beauté et de son bon sens, elle est digne d’un empereur. Je ne puis rendre la gracieuse modestie qu’elle a mise à me répondre « qu’elle connaissait trop bien la délicatesse de mon cœur pour m’exposer aux tourments prolongés d’une passion non payée de retour. » Elle m’a naïvement révélé que vous étiez en secret engagés l’un à l’autre depuis long-temps… que vous aviez même échangé vos portraits… qu’elle ne se résoudrait jamais à devenir votre femme sans le consentement de son père, mais qu’elle sentait qu’il lui était impossible de jamais oublier les sentiments que vous lui aviez inspirés, et de laisser à un autre la moindre chance de succès.