Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/255

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jeunes gens se tenaient devant lui dans l’attitude de criminels qui s’avouent à eux-mêmes leur culpabilité. Lorsque la réprimande fut finie, Hartley se tourna avec un air de franchise vers son camarade, et lui présenta la main : celui-ci l’accepta, mais après un moment d’hésitation. Il ne se passa rien autre chose à ce sujet ; mais Richard et Adam ne se reprirent jamais d’amitié. Dès lors cessa cette intimité qui avait existé entre eux dans les premiers temps de leur connaissance. Loin de là, évitant tout rapprochement qui ne fût point absolument exigé par leur situation, et abrégeant, autant que possible même leurs entretiens indispensables sur les matières de leurs études, ils semblaient aussi étrangers l’un à l’autre que pouvaient l’être deux personnes habitant la même maison.

Quant à Menie Grey, son père ne paraissait pas concevoir la moindre inquiétude sur son compte, quoique, par les fréquentes et presque journalières absences de M. Grey, elle fut exposée à se trouver sans cesse dans la compagnie de deux beaux jeunes gens, ambitieux l’un et l’autre de lui plaire, plus que beaucoup de parents n’auraient trouvé prudent de le souffrir. Ce n’était pas Nourrice Jamieson, vu ses occupations domestiques et son excessive partialité pour son nourrisson, qui pouvait être une matrone bien capable de protéger Menie. Mais Gédéon Grey savait que sa fille était douée d’un caractère pur, droit et intègre comme le sien propre, et que jamais père n’avait eu moins raison de craindre que sa fille ne trompât sa confiance ; et, sûr de ses principes, il ne songeait pas au danger auquel il exposait sa sensibilité et ses affections.

Les relations entre Menie et les jeunes gens paraissaient néanmoins plus réservées de part et d’autre. Ils ne se réunissaient que pour les repas, et miss Grey se donnait une peine infinie, peut-être à la recommandation de son père, pour les traiter avec le même degré d’attention. La chose, pourtant, n’était pas facile ; car Hartley devint si retenu, si froid, si maniéré, qu’elle ne pouvait soutenir avec lui une conversation de quelque durée ; tandis que Middlemas, parfaitement à son aise, jouait son rôle comme autrefois, dans toutes les occasions ; et sans paraître chercher beaucoup à resserrer encore son intimité avec la jeune fille, il semblait néanmoins l’avoir conservée tout entière telle qu’elle existait.

Le temps approcha enfin où les jeunes gens, libres des obliga-