Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/232

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il a élevé cette jeune fille en lui tenant toujours la bride haute, et voilà pourquoi la malheureuse a fait un écart. Je ne serais pas surpris qu’il l’emmenât en pays étranger, et la renfermât dans un couvent.

— La chose est difficile, répliqua le docteur, s’il est vrai, comme je le soupçonne, que le père et la fille appartiennent tous deux à la religion juive.

— Elle était juive ! s’écria mistress Grey ; se peut-il que je me sois donné tant de peine pour une juive ?… Aussi ai-je remarqué qu’elle semblait faire la grimace un jour que la garde Simson lui parlait d’œufs au lard. Mais je croyais que les juifs avaient toujours de longues barbes, et la figure de cet homme ressemblait absolument aux figures de gens comme nous… J’ai vu le docteur lui-même avec le menton mieux garni, lorsqu’il n’avait pas eu le temps de se raser.

— M. Monçada aurait bien pu se trouver dans ce cas, reprit Lawford, car il paraissait avoir voyagé bon train. Mais les juifs sont souvent très-respectables, mistress Grey… Ils n’ont pas de propriétés territoriales, parce que la loi est contre eux sur ce point ; mais ils jouissent d’un excellent crédit à la bourse, et ont beaucoup de capitaux sur les fonds publics, mistress Grey. Et ma foi ! je pense que cette pauvre jeune femme est encore mieux avec son père, tout juif et tout brutal qu’il est par-dessus le marché, qu’elle n’aurait pu l’être avec le libertin qui l’a séduite, et qui n’est, à ce que vous dites, docteur Grey, qu’un papiste et un rebelle. Les juifs sont attachés au gouvernement ; ils détestent le pape, le diable et le prétendant, tout autant que le plus honnête homme d’entre nous.

— Je ne puis estimer ni l’un ni l’autre de ces deux messieurs, répliqua Grey. Mais la vérité est que j’ai vu M. Monçada lorsqu’il était violemment irrité, et selon toute apparence, non sans raison. D’autre part, cet autre étranger, ce Tresham, si tel est son nom, s’est montré fier envers moi, et, je le trouve, un peu négligent pour cette pauvre jeune femme, précisément à l’époque où il lui devait le plus de tendresse, et à moi quelques remercîments. Je partage donc votre opinion, clerc Lawford : le chrétien est le plus mauvais des deux.

— Et vous songez à prendre vous-même soin de cet enfant, docteur ? C’est ce que j’appelle faire le bon Samaritain.

— Et certes, à peu de frais, clerc ! L’enfant s’il vit, est assez