Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/227

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souverain le roi George et au gouvernement ; mais il ne faut pas pousser trop loin cette affaire, de peur de vous mettre dans l’embarras, chose dont tout le monde serait fâché à Middlemas. L’année 1745 n’est pas encore si éloignée que nous ne puissions nous rappeler assez de mandats de haute trahison… Oui, et même des mandats lancés contre des dames de qualité. Mais elles furent toutes traitées avec indulgence… Lady Ogilvy, Lady Mac Intosh, Flora Macdonald et bien d’autres. Nul doute que monsieur ne sache ce qu’il fait, et ne soit certain que cette jeune dame ne court aucun danger… Il vous faut donc courber la tête et laisser passer la vague, comme nous disons.

— Alors, suivez-moi, messieurs, dit Gédéon, et vous verrez la jeune dame. » En même temps ses traits fortement prononcés laissaient apercevoir son émotion, en songeant à la vive douleur qu’il allait occasionner. Il monta le premier, le petit escalier, et, ouvrant la porte, il dit à Monçada qui l’avait suivi : « Voilà le seul lieu d’asile qui reste à votre fille, et où je suis, hélas ! trop faible pour la protéger. Entrez, monsieur, si votre conscience vous le permet. »

L’étranger lui lança un regard furieux, auquel il sembla qu’il aurait voulu donner la puissance fabuleuse de l’œil du basilic. S’avançant alors fièrement, il pénétra dans la chambre. Lawford et Grey le suivirent à peu de distance : le messager resta à la porte. La malheureuse jeune femme avait entendu le tumulte, et n’en avait que trop bien deviné la cause ; il était même possible qu’elle eût aperçu les étrangers à leur descente de voiture. Lorsqu’ils entrèrent dans l’appartement, elle était à genoux devant un fauteuil, la figure cachée par un long voile de soie. Monçada ne prononça qu’un seul mot. À l’accent, on put croire que c’était un équivalent de Misérable ; mais personne n’en connaissait le sens. La dame fut agitée d’un frisson convulsif, semblable à celui qui s’empare d’un soldat mourant lorsqu’il reçoit une nouvelle blessure. Mais, sans s’inquiéter de son émotion, Monçada la saisit par le bras, et la remit brutalement sur ses pieds : elle semblait ne se tenir debout que parce qu’elle était soutenue par la main vigoureuse de l’étranger. Alors il arracha de dessus son visage le masque qu’elle avait porté jusque-là. La pauvre créature s’efforça encore de cacher sa figure en la couvrant de sa main gauche ; car la manière dont elle était tenue l’empêchait de se servir de la droite. Sans beaucoup d’efforts, son père s’empara aussi de cette