Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/220

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Oui, monsieur Grey, je vous le proteste, vous trouverez mistrses Middleton Middlemas… quel nom lui ai-je donné ?… aussi ignorante des affaires de ce monde que la personne la plus novice que vous ayez jamais rencontrée. Vous aurez donc la bonté d’être son trésorier et son administrateur pour le moment, comme à l’égard d’un malade qui n’est point en état de gérer ses propres affaires. »

Ces paroles furent dites d’une manière quelque peu fière et hautaine, qui frappa le docteur Grey ; elles n’indiquaient rien, en elles-mêmes, si ce n’est le désir de garder l’incognito, qui perçait dans tout le reste de la conduite de l’étranger, mais le ton semblait dire : « Je suis d’un rang à n’être pas questionné par personne… Ce que je dis doit être reçu sans commentaire, si peu qu’on puisse le croire ou le comprendre. » Grey fut donc confirmé dans son opinion, qu’il s’agissait soit d’une séduction, soit d’un mariage secret entre des personnes d’un rang très élevé ; et toute la conduite de la dame ainsi que du monsieur fortifia ses soupçons. Il n’entrait pas dans son caractère d’être importun ni curieux, mais il ne put s’empêcher de voir que la dame ne portait point d’alliance au doigt ; et son profond chagrin, son tremblement perpétuel semblaient indiquer une malheureuse créature qui avait perdu la protection de ses parents, sans acquérir un droit légitime à celle d’un mari. Il ne fut donc pas exempt d’inquiétudes, quand M. Middlemas, après une longue conférence avec la dame lui dit enfin adieu. Il l’assura, il est vrai, de son retour avant dix jours, et c’était l’époque la plus rapprochée que M. Grey eût voulu fixer comme celle où la dame pourrait continuer sa route sans danger. « Fasse le ciel qu’il revienne ! se dit le docteur ; mais il y a trop de mystère dans tout ceci pour que ce soit une chose claire et devant aboutir à bien. Si son intention est de trahir cette pauvre femme, comme on a souvent agi avec tant de malheureuses filles, j’espère que ma maison ne sera point l’endroit qu’il choisira pour l’abandonner. L’argent qu’il ma laissé a vraiment un air suspect, et il me semblerait que ce personnage veuille faire un compromis avec sa conscience… Bah ! il faut espérer mieux. En attendant, mon devoir exige impérieusement que je fasse tous les efforts possibles pour rétablir cette pauvre dame.

M. Grey visita la malade peu après le départ de M. Middlemas… et même, aussitôt qu’elle put le recevoir. Il la trouva dans une violente agitation, et son expérience lui indiqua le meilleur