Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/210

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tique, s’écrier : « M. Croftangry est en train de faire une folie. Le vieux Fairscribe connaît sa fortune à un denier près, et miss Katie, avec tous ses airs, peut aimer le vieux cuivre, afin d’en acheter de la vaisselle neuve. J’ai trouvé que M. Croftangry avait l’air très-égrillard lorsqu’il est venu faire sa partie avec nous. Pauvre monsieur ! bien certainement je serais fâchée de le voir s’exposer au ridicule. »

Épargnez-moi votre compassion, ma chère dame : il n’y a pas le moindre danger. Les beaux yeux de ma cassette ne sont pas assez brillants pour qu’on ne songe plus aux lunettes qui suppléent de toute nécessité à la faiblesse des miens. Je suis un peu sourd aussi, comme vous l’apprenez à nos dépens, lorsque nous sommes partenaires au jeu ; et, si je pouvais décider une jeune nymphe à m’épouser avec toutes ces imperfections, qui diable épouserait Janet Mac Evoy ? Or, Janet Mac Evoy ne sera jamais délaissée par Chrystal Croftangry.

Miss Katie Fairscribe me conta l’histoire de Menie Grey avec beaucoup de goût et de simplicité, n’essayant pas de déguiser les sentiments de douleur et d’indignation que lui inspiraient naturellement plusieurs circonstances. Son père me confirma ensuite les points principaux du récit, et me donna même certains détails supprimés ou oubliés par miss Katie. En vérité, j’ai compris, en cette occasion, ce que voulait dire le vieux Lintot, quand il disait à Pope que, lorsqu’il avait un ouvrage sous presse, il avait coutume de se rendre favorables les critiques les plus importants, en leur faisant passer de temps à autre une feuille d’épreuve encore humide, ou quelques pages du manuscrit original. Le mystère de notre métier d’auteur a quelque chose de si attrayant, que, si vous admettez quelqu’un dans votre confidence, vous verrez que, quelque peu disposé qu’il ait pu être d’abord pour de pareils travaux, vous verrez qu’il se regardera comme partie intéressée, et, que, si l’ouvrage réussit, il croira avoir droit à une part assez considérable d’éloges.

Le lecteur a vu que personne n’aurait pu naturellement être moins intéressé que mon excellent ami Fairscribe à mes travaux littéraires lorsque je le consultai pour la première fois à ce sujet. Mais depuis qu’il a contribué à l’ouvrage en fournissant la matière, il est devenu un très-zélé coadjuteur ; et, à demi honteux, à demi fier de la société littéraire où il a pris une action, il ne me rencontre jamais sans me pousser le coude, et me lâcher tout bas