Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/206

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amuser doit être tel qu’on puisse le prendre et le quitter avec le même plaisir, et je dois dire, en vérité, qu’il ne m’en coûtait jamais rien pour interrompre la lecture de votre manuscrit quand il me survenait une affaire. Mais, sur ma parole, ce Schiller ne se laisse pas lâcher si aisément. J’oubliai un rendez-vous pour affaire importante, et j’en fis volontairement manquer un autre pour rester à la maison et pouvoir finir son maudit livre, qui, après tout, roule sur deux frères, les plus grands scélérats dont j’aie jamais entendu parler. L’un, monsieur, va presque jusqu’à égorger son père, et l’autre (ce qui vous semblera encore plus étrange) cherche à faire de sa propre femme une misérable débauchée.

— Je vois alors, M. Fairscribe, que vous n’avez aucun goût pour les romans où l’on peint la vie réelle, ni aucun plaisir à contempler ces impulsions violentes qui poussent les hommes passionnés à de grands crimes et à de grandes vertus. »

— Ma foi, quant à ce dernier point, je n’en suis pas trop sûr. Mais ce qui vaut encore moins que le reste, vous avez introduit des montagnards dans chaque histoire, comme si vous reveniez, velis et remis, au vieux temps des jacobites. Je dois vous dire toute ma pensée, M. Croftangry. Je ne saurais préciser les innovations qui peuvent être maintenant proposées dans l’Église et dans l’État ; mais nos pères étaient satisfaits de l’une et de l’autre, tels qu’on les a constitués à l’époque de notre glorieuse révolution, et ils aimaient aussi peu un plaid de tartan bariolé qu’un surplis blanc. Je demande au ciel que cette fièvre de tartan ne présage que du bien à la succession protestante et à l’Église d’Écosse.

— L’une et l’autre sont trop bien établies, dis-je, pour être ébranlées par de vieux souvenirs, sur lesquels nous jetons les yeux comme sur les portraits de nos ancêtres, sans nous rappeler, quand nous les regardons, aucune des haines mortelles qui animèrent les originaux pendant leur vie. Mais je m’estimerais fort heureux de découvrir un sujet qui remplaçât les montagnards, M. Fairscribe. Je me suis déjà dit que la source se tarit un peu, et votre expérience pourrait sans doute me procurer…

— Ah, ah, ah… ! mon expérience procurer ! » interrompit M. Fairscribe avec un rire sardonique.« Ma foi, vous pourriez aussi bien recourir à l’expérience de mon fils James pour vous éclairer sur un cas de servitude. Non, non, mon cher ami, j’ai vécu par les lois et dans les lois toute ma vie ; et quand vous recherchez les impulsions violentes qui portent des soldats à déserter ainsi qu’à