Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/176

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étrangères à ses bêtes à cornes ; et Harry Wakefield n’avait jamais pu accoutumer sa langue, trop habituée à l’accent rude du Yorkshire, à prononcer un seul mot d’écossais. C’est vainement que Robin Oig employa toute une matinée, en traversant le Minch-Moor, à enseigner à son compagnon de voyage à prononcer avec précision le mot Llhu, qui veut dire un veau en langue gaélique. De Traquair à Murder-Cairn, la montagne retentit des accords discordants du Saxon sur le monosyllabe rebelle, et des éclats de rire qui suivaient chaque tentative infructueuse. Ils avaient cependant de meilleurs moyens d’éveiller les échos : car Wakefield savait maintes chansons à la louange de Molly, de Susanne, de Cicely ; et Robin avait un talent tout particulier pour siffler d’interminables pibrochs[1] avec toutes les variations ; et ce qui plaisait encore plus à l’oreille méridionale de son compagnon, c’est qu’il savait la plupart des chansons joyeuses et pathétiques du nord, que Wakefield cherchait à accompagner en sifflant une basse. Ainsi, quoique Robin ne comprît que difficilement les histoires de son compagnon sur les courses de chevaux, les combats de coqs ou les chasses au renard, et quoique les récits du montagnard sur les légendes historiques de son pays, les combats des divers clans, les contes de lutins et de féeries fussent à peu près inintelligibles pour le bouvier du Yorkshire, ils n’en rencontraient pas moins dans la compagnie l’un de l’autre un attrait qui les engagea pendant trois ans à voyager ensemble toutes les fois que leur direction fut la même. Chacun d’eux trouvait son avantage à cela ; car, où l’Anglais aurait-il rencontré un meilleur guide que Robin Oig Mac Combich pour le conduire à travers les montagnes de l’ouest ? Et lorsqu’ils arrivaient à ce que Harry nommait le bon côté de la frontière, sa protection et sa bourse toujours bien garnie étaient au service de son ami le montagnard, et dans bien des circonstances sa générosité fut très-utile à Robin.

  1. Chants guerriers des montagnards écossais. Chaque clan ou tribu a son pibroch. a. m.