Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/174

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cette scène avec humeur, il résolut d’y mettre fin à quelque prix que ce fût.

« Eh bien donc, dit le jeune bouvier en donnant le fourreau à Hugh Morrison, vous autres habitants des basses terres, vous qui ne faites pas grand cas de ces prophéties, gardez mon poignard. Je ne puis vous le donner, car c’est celui de mon père ; mais vos troupeaux suivent les miens, et je consens avec plaisir à ce qu’il reste entre vos mains plutôt qu’entre les miennes. Cela suffit-il, Mhume ?

— Sans doute, répondit la vieille, c’est-à-dire, si votre ami des basses terres est assez fou pour garder ce poignard.

Le robuste habitant de l’ouest se prit à rire aux éclats.

« Bonne femme, dit-il, je suis Hugh Morrison de Glenae, descendu des Manly Morrison du vieux temps ; et mes braves ancêtres, dans tout le cours de la vie, ne se sont jamais servis d’une telle arme contre un homme. Ils n’en avaient pas besoin ; ils portaient leurs sabres à leurs côtés, et moi je porte cette baguette (il montrait un énorme bâton) pour me défendre, et je laisse le poignard à John le montagnard. Ne secouez pas la tête, habitants des montagnes, ni vous surtout, Robin ; je garderai le poignard, si vous avez peur des contes de la vieille sorcière, et je vous le rendrai quand vous en aurez besoin. »

Robin n’était rien moins que satisfait d’une partie du discours de Hugh Morrison ; mais il avait acquis pendant ses voyages plus de patience qu’il n’est donné à un caractère montagnard d’en avoir, et il accepta l’offre de service du descendant des Manly Morrison, sans paraître offensé de la manière peu flatteuse dont elle était faite.

« S’il n’avait pas eu dans la tête son coup du matin, disait Robin, et s’il avait un peu plus de bon sens qu’un pourceau de Dumfries, il aurait parlé autrement à un gentilhomme ; mais on ne saurait tirer d’un pourceau autre chose qu’un grognement. C’est une honte de voir le couteau de mon père destiné à couper un haggis[1] pour un rustre tel que lui. »

En parlant ainsi, mais en langue gaélique, Robin mit son troupeau en marche, et fit un signe d’adieu à tous ceux qu’il laissait derrière lui. Il était pressé, parce qu’il espérait rejoindre à Falkirk un camarade, un confrère, dans la compagnie duquel il devait voyager.

  1. Espèce de pouding cuit dans l’estomac d’un mouton. a. m.