Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/168

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épuisé par les fouilles continuelles des romanciers modernes, qui, trouvant dans ces régions lointaines des habitudes et des mœurs primitives, se sont ridiculement imaginé que le public ne peut jamais s’en passer. Aussi trouve-t-on sur les tablettes d’un cabinet littéraire autant de montagnards en jaquette que dans un bal calédonien. On aurait pu, il y a quelques années, tirer un excellent parti de l’histoire d’un régiment montagnard et de la révolution singulière qui ne pouvait manquer de s’opérer dans l’esprit de ceux qui le composaient, lorsqu’ils abandonnaient leurs montagnes pour les champs de bataille du continent, et leurs simples et indolentes habitudes pour les manœuvres régulières qu’exige la discipline. Mais cette mine a été exploitée d’avance. Mistress Grant de Laggan a décrit les mœurs, les coutumes et les superstitions des montagnes dans leur simple état de nature ; et mon ami le général Stewart de Garth, en écrivant l’histoire réelle des régiments montagnards, a rendu extrêmement téméraire et hasardeuse toute tentative pour en tracer une esquisse avec le pinceau de l’imagination. Et cependant, moi aussi j’éprouve le désir d’ajouter une pierre au vieux tombeau. Sans avoir recours à la faculté poétique pour colorer des impressions et des souvenirs de jeunesse, je puis essayer de tracer deux scènes propres à faire connaître le caractère montagnard. Ces scènes appartiennent particulièrement aux Chroniques de la Canongate, puisqu’elles sont aussi connues des vieilles têtes grises qui habitent ce quartier que de Chrystal Croftangry lui-même. Pourtant je ne remonterai pas au temps des clans et des claymores. Vous aurez donc, aimable lecteur, l’histoire de Deux Bouviers. Puisqu’une huître peut être traversée dans ses amours, dit l’aimable Tilburina[1] un bouvier peut bien être sensible au point d’honneur, dit le chroniqueur de la Canongate.







CHAPITRE PREMIER.

le présage.


Mon récit commence le lendemain de la foire de Doune. Le marché avait été animé ; plusieurs marchands y étaient venus des

  1. Personnage du Critique de Shéridan. a. m.