Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/164

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Elles cherchèrent au milieu des ténèbres, elles appelèrent par son nom celle qui avait été confiée à leurs soins : le corbeau de nuit croassa du haut de son vieux chêne, le renard hurla sur la montagne, le bruit du torrent se fit entendre et fut répété par les échos, mais nulle voix humaine ne répondit. Elles ne firent point de plus amples recherches avant que le jour parût ; car la disparition soudaine d’une femme faible et expirante comme Elspat, sa vie étrange, les bruits qui couraient sur elle, les jetaient dans une telle épouvante, qu’elles n’eurent pas le courage de sortir de la cabane. Elles restèrent donc dans un état de terreur inexprimable, tantôt croyant avoir entendu sa voix au dehors, tantôt s’imaginant que des sons d’une nature extraordinaire se mêlaient aux tristes soupirs de la brise de nuit ou au bruit de la cascade. Quelquefois aussi le loquet de la porte remuait, comme si une main faible et impuissante eût essayé de le lever, et à chaque instant elles s’attendaient à voir entrer la redoutable Elspat animée d’une force surnaturelle, et accompagnée peut-être de quelque être encore plus terrible. Le jour parut enfin. Elles cherchèrent dans les buissons, dans les rochers, partout, mais vainement. Deux heures après, le ministre lui-même arriva, et, sur le rapport des deux femmes, il répandit l’alarme dans tout le pays. On fit une recherche exacte et générale dans le voisinage de la hutte et du vieux chêne ; mais tout fut inutile. Elspat Mac Tavish ne fut jamais retrouvée ni morte ni vivante ; et jamais on ne découvrit la moindre trace, le moindre renseignement sur son sort.

Quant aux opinions sur sa disparition, elles différèrent beaucoup. Les personnes superstitieuses pensèrent que le malin esprit, sous l’influence duquel elle avait vécu, l’avait emportée, corps et âme ; et il existe encore bon nombre de gens qui évitent de passer à une heure indue près du chêne sous lequel on assure qu’elle a coutume de venir s’asseoir. D’autres, moins crédules, supposèrent que, s’il avait été possible de visiter le gouffre de Corri Dhu, les profondeurs du lac, ou celles de la rivière, on y aurait trouvé les restes d’Elspat Mac Tavish ; car il était plus que probable que, dans l’état de désorganisation où se trouvaient son corps et son esprit, elle s’était précipitée, soit par accident, soit à dessein, dans l’un de ces abîmes.

Le pasteur était d’une opinion à part. Selon lui, impatientée de la vue des deux gardes placées près d’elle, cette malheureuse femme, guidée par une sorte d’instinct animal, s’était éloignée de