Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mhor, et sur le seuil même de sa porte. Adieu ! Puisse la honte de la défaite, de la perte et du meurtre, retomber sur le clan qui l’a soufferte ! »

La parente de l’infortuné Cameron éleva la voix pour répondre ; mais Elspat, dédaignant de prolonger plus long-temps ses malédictions, ou sentant peut-être que la douleur allait triompher du pouvoir de ses forces, avait quitté la cabane et s’éloignait rapidement à la clarté de la lune.

Les femmes qui rendaient les derniers devoirs à l’homme assassiné interrompirent leur triste occupation pour suivre des yeux l’ombre d’Elspat qui, se glissant parmi les rochers, disparut bientôt. « Je suis contente qu’elle soit partie, dit l’une des plus jeunes ; j’aimerais autant ensevelir un mort en présence de l’esprit du mal (Dieu nous protège !) qu’en présence de l’Habitante du vieux chêne. Oh ! elle n’a eu que trop de relations, dans son temps, avec l’ennemi du genre humain !

— Insensée ! » répondit la femme qui avait soutenu le dialogue avec Elspat, « crois-tu qu’il y ait sous la terre ou dessus un ennemi pire que l’orgueil et la fureur d’une femme offensée, telle que cette mégère sanguinaire ? Sache que le sang est aussi doux à ses yeux que la rosée à la marguerite des montagnes. Elle a fait rendre le dernier soupir à maints et maints braves, auxquels elle ou les siens avaient une légère offense à reprocher. Mais à présent que son louveteau doit finir comme un meurtrier qu’il est, voilà le nerf de ses jarrets coupé. »

Tandis que ces femmes discouraient ainsi auprès du corps d’Allan Break Cameron, la malheureuse femme qui était la cause du meurtre poursuivait sa route solitaire à travers les montagnes. Tant qu’elle put être aperçue de ceux qui étaient dans la chaumière, elle eut la force de se contenir, de peur que le changement de son pas ou de son maintien ne fût un triomphe pour ses ennemis, et ne leur donnât le plaisir de calculer l’excès de son agitation morale et de son désespoir. Elle marcha donc fièrement d’un pas plutôt lent que rapide, et, tenant la tête haute, elle semblait à la fois souffrir avec fermeté le mal passé, et défier celui qui était sur le point de l’atteindre. Mais lorsqu’elle fut hors de vue, elle ne put résister plus long-temps à l’excès de sa douleur. Enveloppée de son manteau drapé bizarrement autour d’elle, elle s’arrêta au pied de la première colline ; et, montant rapidement jusqu’au sommet, elle étendit les bras vers la lune brillante,