Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/137

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role. Elspal savait donc que son fils, mis dans l’impossibilité d’obéir aux ordres de son chef, considérerait comme inévitable la punition dégradante décrétée contre sa désertion, dans le cas où il se replacerait sous le pouvoir de son général.

Lorsque le milieu du jour fut passé, de nouvelles craintes s’élevèrent dans son esprit. Son fils était encore sous l’influence de la potion narcotique. Que faire si cette dose, plus forte qu’aucune de celles qu’elle avait jamais vu administrer, allait altérer sa santé ou sa raison ? Pour la première fois aussi, malgré la haute idée qu’elle avait de l’autorité maternelle, elle redouta le ressentiment de son fils ; car son cœur lui disait qu’elle l’avait offensé. Depuis peu elle avait observé que son caractère était beaucoup moins docile, et que ses résolutions, surtout celle de son enrôlement, étaient formées avec indépendance et exécutées hardiment. Elle se rappelait l’opiniâtreté sévère de son père lorsqu’il se croyait blessé, et elle commençait à craindre qu’Hamish, en découvrant la cruelle déception qu’elle avait employée à son égard, ne poussât le ressentiment jusqu’à l’abandonner et à poursuivre seul sa carrière dans le monde. Telles étaient les craintes alarmantes et trop bien fondées qui assaillaient cette malheureuse femme, après le succès apparent de son funeste stratagème.

La soirée s’avançait lorsqu’Hamish s’éveilla pour la première fois, et alors il était encore loin d’avoir recouvré l’usage entier de ses facultés. Ses expressions vagues et incohérentes, et le désordre de son pouls jetèrent d’abord Elspat dans l’épouvante ; mais ayant employé les remèdes que lui indiquaient ses connaissances en médecine, elle le vit avec satisfaction retomber pendant la nuit dans un sommeil profond, qui probablement dissipa l’effet dangereux de la potion. En effet, vers le lever du soleil, elle l’entendit sortir de son lit, et lui demander sa toque qu’à dessein elle avait éloignée de lui, dans la crainte que, venant à s’éveiller pendant la nuit, il ne partît à son insu.

« Ma toque ! ma toque ! cria Hamish, il est temps que je vous dise adieu. Ma mère, votre liqueur était trop forte. Le soleil est levé : mais demain matin je n’en verrai pas moins le double sommet de l’antique Dun[1]. Ma toque ! ma toque ! ma mère ; il faut que je parte à l’instant. » Ces paroles prouvaient clairement que le pauvre Hamish ignorait totalement qu’il s’était écoulé deux

  1. Dunbarton, lieu de garnison anglaise. a. m.