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lantes couleurs. Avec d’autres, elle composait des liqueurs de vertus diverses ; et malheureusement elle avait le secret d’en préparer une qui était un soporifique très-violent. C’était donc sur les effets cette dernière potion, comme on doit l’avoir deviné, qu’elle comptait avec certitude pour retenir Hamish au-delà du terme marqué ; et elle s’imaginait que l’horreur qu’il éprouvait pour le châtiment auquel il allait être exposé suffirait désormais pour l’empêcher de retourner à son régiment.

Le sommeil d’Hamish fut, pendant cette nuit terrible, plus profond qu’à l’ordinaire ; mais il n’en fut pas ainsi de celui de sa mère. À peine fermait-elle les yeux qu’elle se réveillait en sursaut et saisie de terreur, à la seule idée que son fils était parti ; et ce n’était qu’en s’approchant de la couche sur laquelle il dormait, et en écoutant sa respiration forte et régulière, qu’elle se rassurait sur la réalité du repos dans lequel il était plongé.

Elle craignait néanmoins que l’aurore ne vînt à l’éveiller, en dépit des vertus de la potion dont elle avait rempli sa coupe. Elle était sûre que s’il restait à son fils la moindre espérance, la moindre possibilité d’accomplir son voyage, il l’entreprendrait, dût-il mourir de fatigue sur le chemin. Agitée de cette nouvelle crainte, elle fit en sorte d’écarter de la cabane toute espèce de lumière, en bouchant toutes les fentes et les crevasses à travers lesquelles, à défaut de fenêtres, les rayons du matin pouvaient trouver accès dans cette misérable demeure. C’est ainsi qu’elle mit en usage tous les moyens qui lui furent possibles pour retenir au milieu de son indigence et de sa misère, celui auquel elle aurait donné l’univers entier, s’il eut été en sa possession.

Ces soins étaient superflus. Le soleil était déjà haut dans les cieux ; et pour qu’Hamish arrivât au temps fixé, il aurait dû courir plus vite que le cerf le plus agile de la forêt de Breadalbane, poursuivi par une même acharnée. Elspat avait atteint son but ; le retour de son fils au terme assigné était désormais impossible ; elle crut également impossible qu’il songeât à revoir son régiment, où il se trouverait exposé à une punition déshonorante. Elle était parvenue par degrés à obtenir de lui des renseignements exacts sur la position fâcheuse dans laquelle il se mettrait en ne paraissant pas au jour fixé, et sur le peu d’espérance qu’il avait d’être traité avec indulgence.

On sait que le sage et illustre comte de Chatan se glorifiait du plan qu’il avait dressé pour employer à la défense des colonies ces