Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/129

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geux pour me laisser mourir seule, et pour souffrir que, sur mon foyer solitaire et désolé, la dernière étincelle du feu paternel et de la vie de ta mère abandonnée s’éteignissent ensemble pour jamais ! »

Hamish traversa la cabane d’un pas agité qui indiquait l’impatience et le mécontentement. « Ma mère, dit-il enfin, ne vous occupez pas de toutes ces tristes pensées. Je ne puis être assujetti à une telle infamie, car je ne la mériterai jamais ; et si je me mettais dans le cas d’en être menacé, je saurais mourir avant d’être déshonoré ?

« Je reconnais là le langage du fils de l’époux de mon cœur, » s’écria Elspat ; et, changeant d’entretien, elle sembla écouter Hamish avec cette résignation mélancolique qui ne laisse plus la force de faire des objections. Lorsqu’il lui fit remarquer combien était court le temps qu’ils avaient à passer ensemble, et qu’il la supplia de le laisser s’écouler sans lui rappeler des choses pénibles, et sans inutiles allusions aux circonstances qui les forceraient bientôt à se séparer, Elspat, au lieu de murmurer et de s’emporter, ne sut plus que soupirer tristement.

Elle vit alors avec satisfaction que son fils possédait, entre autres qualités de son père, cette volonté mâle et altière qui ne se laissait point détourner d’une résolution fermement prise. Dès ce moment, elle se montra donc soumise en apparence à une séparation inévitable ; et si de temps à autre il lui échappait encore quelques plaintes, quelques murmures, c’est parce qu’elle ne pouvait dompter entièrement l’impétuosité naturelle de son caractère, et parce qu’elle craignait qu’un acquiescement total et sans réserve ne parût affecté et suspect à son fils, et ne l’engageât à se tenir sur ses gardes, et à déjouer les plans qu’elle avait encore en vue pour l’empêcher de partir. Sa tendresse ardente, mais égoïste, ne pouvait être éclairée par aucune considération pour les véritables intérêts de l’objet aimé ; elle ressemblait à l’instinct qui attache l’animal à ses petits, n’approfondissant guère plus l’avenir. Elspat n’entrevoyait d’autre douleur que d’être séparée de son fils, et une telle perspective était la mort pour elle.

Pendant le court intervalle qui leur fut accordé, Elspat épuisa tous les moyens que sa tendresse put lui suggérer pour rendre agréable à son fils le temps qu’ils devaient passer ensemble. Sa mémoire active la reportait aux jours écoulés depuis long-temps : elle appelait à son secours non-seulement son répertoire de lé-