Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/127

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À cette réponse prononcée fermement et d’un ton déterminé, Elspat resta comme frappée de la foudre et parut accablée de désespoir. Les arguments que jusqu’alors elle avait crus si concluants et si irrésistibles, venaient d’être repoussés, comme une vague, bien loin du rocher. Après un long intervalle de silence, elle remplit la coupe de son fils, et, la lui présentant d’un air d’abattement, de déférence et de soumission :

« Bois donc, lui dit-elle, à la poutre du toit de ton père[1], avant de le quitter pour jamais, et dis-moi, puisque les chaînes d’un nouveau roi et d’un nouveau chef que tes pères ne connurent jamais, si ce n’est comme ennemis mortels, sont destinées au fils de ton père ; dis-moi combien elles comptent de chaînons. »

Hamish prit la coupe, et regarda sa mère comme ne comprenant pas ce qu’elle voulait dire. Elle reprit d’un ton plus élevé : « Dis-moi, car j’ai droit de le savoir, combien de jours la volonté de ceux que tu as rendus tes maîtres me permet de te voir ? En d’autres termes, combien de jours me reste-il à vivre encore ? car, lorsque tu me quitteras, la terre n’aura plus rien à m’offrir qui puisse me faire prolonger mon existence.

— Ma mère, reprit Hamish, je puis rester six jours avec vous, et si, le cinquième, vous voulez partir avec moi, je vous conduirai en sûreté à votre nouvelle demeure. Mais si vous restez ici, je partirai à la septième aurore. Alors, et sans aucun retard, je me rendrai à Dumbarton ; car, si je ne paraissais pas le huitième jour, j’encourrais un châtiment comme déserteur, et je serais déshonoré comme soldat et comme gentilhomme.

— Le pied de ton père était libre comme le vent de la bruyère ; il était aussi inutile de lui dire : Où vas-tu ? que de demander à l’Être invisible qui dirige les nuages : Pourquoi souffles-tu ainsi ? Dis-moi maintenant, puisque tu dois, puisque tu veux partir, sous quelle peine il faut que tu retournes à ton esclavage.

— Ne l’appelez pas esclavage, ma mère, c’est le service d’un honorable soldat, le seul service qui convienne désormais au fils de Mac Tavish Mhor.

— N’importe, dis-moi quelle est la peine que tu peux encourir, si tu ne tiens pas exactement ta parole.

— La punition militaire comme déserteur, » répondit Hamish,

  1. Father’s roof-tree, la poutre du toit paternel. Les Écossais boivent ainsi à la poutre, et les Anglais au foyer. a. m.