Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/124

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auquel il s’attendait : « Lorsque je vous quittai, ma mère, ce fut pour aller chez Mac Phadraick : car, quoiqu’il soit avare et de mauvaise foi, selon l’usage des enfants du Sassenach, cependant il ne manque pas d’habileté, et je pensais qu’il ne me refuserait pas de m’apprendre le moyen d’améliorer notre situation dans le monde, d’autant plus qu’il ne devait lui en rien coûter pour cela.

— Notre situation dans le monde ! » s’écria Elspat, perdant patience à ces mots ; « quoi ! vous êtes allé trouver un misérable dont l’âme ne vaut pas mieux que celle d’un vacher ? Vous êtes allé lui demander des conseils pour vous conduire ? Votre père n’en demanda jamais qu’à son courage et à son épée.

— Ma chère mère, répondit Hamish, vous vivez sur cette terre de nos pères, comme si nos pères existaient encore. Vous marchez, comme dans un songe, entourée des fantômes de ceux qui depuis long-temps sont dans la tombe. Au temps où mon père vivait et combattait, les grands respectaient l’homme au bras fort, et les riches le craignaient. Il avait pour protecteurs Mac Allan Mhor et Caberfae, et, pour tributaires, des hommes d’un rang inférieur. Ce temps est passé, et le fils de Mac Tavish n’obtiendrait qu’une mort sans honneur et sans pitié pour prix de ces mêmes actions qui valurent à son père du crédit et du pouvoir parmi ceux qui portent le breacan. La terre de nos aïeux est conquise. Ceux qui en étaient les lumières ne sont plus. Glengarry, Lochiel, Perth, lord Lewis, tous les chefs puissants sont morts ou dans l’exil. Nous pouvons pleurer sur cet état de choses, mais non pas le changer. Toque, claymore et sporran, puissance, force et richesses, tout a péri au champ de Drummossie-Muir[1].

— C’est faux ! » s’écria Elspat avec une expression de fureur. « Vous et les esprits aussi lâches que le vôtre, vous vous êtes laissé subjuguer par la faiblesse de votre cœur, et non par la force de l’ennemi ; vous ressemblez à la timide poule d’eau qui prend pour un aigle le moindre nuage qu’elle aperçoit dans les cieux.

— Ma mère, » reprit Hamish avec fierté, « ne m’accusez ni de lâcheté ni de faiblesse ; je vais où l’on a besoin de bras forts et de cœurs audacieux. J’abandonne la solitude pour une terre où j’ai de la gloire à récolter.

— Et vous laissez votre mère périr, dans cette solitude, de misère et de vieillesse ! » dit Elspat, essayant successivement tous

  1. Dernière déroute des montagnards écossais dans leurs luttes contre les troupes anglaises ou hanovriennes. a. m.