Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/123

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— Me quitter ! comment me quitter ! Insensé ! penses-tu que je ne connaisse pas les devoirs de la femme ou de la mère de l’homme intrépide et audacieux ? Tu n’es encore qu’un enfant ; et, bien que ton père ait été pendant vingt ans la terreur du pays, il ne méprisait ni ma société, ni mon secours, et souvent il disait que je lui étais aussi utile que deux camarades vigoureux.

— Il ne s’agit pas de cela, ma mère ; mais, puisqu’il faut que je quitte le pays…

— Que tu quittes le pays ! Penses-tu donc que je sois comme le buisson qui prend racine sur le sol où il croît, et qui meurt si on le transplante ailleurs ! J’ai respiré un autre air que celui du Ben Cruachan ; j’ai suivi ton père dans les solitudes de Ross et les déserts impénétrables de Y-Mac-Y-Mhor. Jeune homme, mes pieds, quelque vieux qu’ils soient, sauront me porter tant que les tiens pourront me tracer la route.

— Hélas ! ma mère, » dit Hamish d’une voix défaillante, « pour traverser l’Océan…

— Traverser l’Océan ! Et qui suis-je pour craindre la mer ? n’ai-je pas été sur une barque dans le cours de ma vie ? n’ai-je jamais vu le détroit de Mull, les îles de Treshornish et les rochers escarpés de Harris ?

— Hélas ? ma mère, je vais loin, bien loin de ces lieux ; je suis enrôlé dans un des nouveaux régiments, et nous marchons contre les Français en Amérique.

— Enrôlé, » prononça la mère étonnée, « enrôlé contre ma volonté, sans mon consentement ! vous n’avez pas voulu sans doute. Vous n’avez pu le faire ! » Se levant alors et prenant en quelque sorte l’attitude du commandement suprême : « Hamish ! s’écria-t-elle, vous ne l’avez pas OSÉ !

— Le désespoir, ma mère, fait tout oser, » répondit Hamish d’un air triste et résolu. « Que ferais-je ici, où je puis à peine gagner du pain pour vous et pour moi, dans un temps où tout devient pire de jour en jour ? Si vous vouliez vous asseoir et m’écouter, je pourrais vous convaincre que ce que j’ai fait est pour le mieux. »

Elspat, avec un sourire amer, s’assit ; et la même expression, sévère et sardonique, resta empreinte sur ses traits, tandis que, les lèvres étroitement serrées l’une contre l’autre, elle écoutait la justification de son fils.

Hamish poursuivit, sans être déconcerté par ce mécontentement